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Théâtre des Champs Elysées, 13 octobre, par Frédéric Norac

Métamorphose prématurée : Elina Garança dans la série des Grandes Voix

Elina GarançaElina Garança, Théâtre des Champs-Élysées; 13 octobre 2012.

Nous l'avons connue et admirée mezzo colorature, superbe mozartienne dans Dorabella et Sextus, bel cantiste de haut vol pour Anna Bolena et Cenrentola. Elina Garança nous revient mezzo lyrique. On annonçait un récital d'airs français et l'on débute par la Pucelle d'Orleans de Tchaïkovski précédée de l'ouverture de Rousslan et Ludmilla. Rien à dire : il faut bien se chauffer la voix et le répertoire comme la tessiture lui vont comme un gant. Les choses se gâtent avec les deux airs suivants, ceux évidemment où elle était attendue : La Reine de Saba de Gounod et « Mon cœur s'ouvre à ta voix » de Samson et Dalila. Certes la chanteuse a toute la noblesse voulue pour « Plus grand dans son obscurité » mais sa Dalila manque de séduction et de passion. Les registres paraissent dissociés dans Balkis et la tessiture bien trop large pour elle dans Saint-Saëns. Le changement de répertoire semble un peu prématuré. Quant au français, il a dû être abondamment travaillé, mais  il n'en reste pas moins incompréhensible dans le Gounod où notre connaissance de l'air ne vient pas suppléer une prononciation assez exotique.

Drôle de choix aussi du côté des intermèdes symphoniques. Quel gâchis de disposer de la philharmonie tchèque pour la fourvoyer dans un tel programme ! Si l'orchestre se réveille un peu  dans la kitchissime « Bacchanale » de Samson, on se demande ce que vient faire la « Méditation » de Thaïs dans un programme où ne figure pas un seul Massenet, surtout avec un premier violon aussi terne et un chef aussi peu concerné. Ne parlons même pas de ces pasodobles, musique de bastringue, où Karel Mark Chichon a sans doute voulu évoquer cette Espagne dont toute la deuxième partie — bis compris — se réclame. Ils ouvrent sur une tonalité d'une décourageante vulgarité, surtout dirigés avec une telle lourdeur.

En deuxième partie, Carmen ne paraît pas un choix idéal pour un récital. Les airs s'ils ne sont pas soutenus par un authentique tempérament, de la sensualité, un naturel, paraissent vite bien brefs et assez banals, même complétés par les quatre préludes donnés dans le plus grand des désordres. Seule originalité, la première version de « L'amour est enfant de Bohème » découverte par Michel Plasson dans son enregistrement de 2002 et qui ressemble à s'y méprendre à du Messager. Certes Elina Garança  possède le rôle qu'elle a abordé avec succès sur scène au Met en 2010 mais sa Gitane, livrée à elle-même reste assez générique, un peu guindée, et « L'air des Cartes » perd toute saveur sans sa conclusion en trio.  L'interprète s'égare aussi dans les bis. Un air de zarzuela bien chanté mais sans le frémissement que lui apporterait une hispanité véritable. Au moins la tessiture est elle adaptée tandis que Granada et A Marechiare sont typiquement des airs de ténor et ne lui donnent guère d'occasions de briller. Restent tout de même à apprécier un timbre superbe et une tenue vocale incontestable.

Frédéric Norac


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