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Jean-Marc Warszawski, 25 février 2008.

Hugues Dufourt : Essai sur les principes de la musique

DUFOURT HUGUES, Essai sur les principes de la musique (T. 1) : Mathesis et subjectivité.« Répercussions », Éditions MF, Paris 2006 [396 p. ; ISBN 978-2-9157-9416-2; 26 €]

Voici un ouvrage impressionnant et quelque peu étonnant, qui semble rallier une tradition, qu'on aurait pu croire tombée dans l'histoire, celle, comme le disent les traités anciens, de la musique mondaine, ou musique du monde ou musique spéculative. C'est que, de l'Antiquité à l'Ancien régime, les musiciens ont peu écrit eux-mêmes sur leur art — mais Hugues Dufourt, philosophe, est aussi un des compositeurs marquants de notre époque —, car on ne leur reconnaissait pas la pertinence de le faire. Ce sont les philosophes de l'Antiquité grecque qui ont spéculé sur la musique, par analogie avec le système stellaire, grâce au mirage de la perfection des nombres. Cette tradition nous est restée, grâce à Boèce, aristocrate romain, qui a, si on veut, sauvé les meubles in extremis, en traduisant en latin les philosophes grecs dont on ne comprenait plus la langue (sinon les aristocrates romains), et plus tard, grâce aux intellectuels arabes. Ainsi, cette musique spéculative est passée, dès le Moyen-Âge occidental, dans les études supérieures, avec l'arithmétique, la géométrie et l'astronomie, ce qu'on appelait le « quadrivium ».

Justement, Hugues Dufourt veut montrer que la musique, dite savante occidentale, n'a pu émerger, dans ses spécificités, qu'en se débarrassant de la pensée antique grecque, construite sur une représentation discontinue du temps. La musique, est l'art du temps, et la musique savante occidentale est l'art d'un temps continu. Ce que presque 400 pages, veulent démontrer, dans la pure tradition du quadrivium, à la frontière spéculative de la mathématique (antique)  et de la musique. Il y a dans le ton, et dans cette idée de fonder la possibilité de la musique savante occidentale, quelque chose qui rappellerait une démarche Heideggerienne. Sauf que la recherche des essences étymologiques, est ici remplacée par celle de l'essence du nombre.

J'avoue que je partage peu, des idées exposées, le temps comme l'espace, tout comme leur mesure relative, ne m'inspirant aucune considération métaphysique. Par exemple pour penser que « Le mouvement est désormais indépendant le l'essence des corps » [p. 220], il faut croire que les corps on une essence, ce qui n'est pas mon idée, je pense même que le mouvement, est la condition première de toute existence, que donc, les corps sont nécessairement dépendants du mouvement, ils sont un résultat du mouvement.

 Il reste que ce livre, regorge d'idées à penser la musique (surtout la première partie), et offre une multitude de sujets de dissertation (s), de propositions.

Peu tendu vers le grand public, ou d'un public non initié, d'une érudition peut-être un peu trop autoritaire, au détriment des démonstrations, peut-être plus attaché à lier le discours que de convaincre le lecteur, ce livre est toutefois abordable. Il est de plus composé d'une succession d'articles centrés, suffisamment redondants, pour avoir une certaine indépendance. Il n'impose donc pas une lecture linéaire, et mérite, je pense, l'effort de lecture.

Jean-Marc Warszawski
25 février 2008


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