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Saint-Thibault, 1er juin 2013, par Eusebius

Le Mozart décoiffant de Michael Abramovich

Le rendez-vous annuel de Michael Abramovich avec son public bourguignon n'aura laissé aucun auditeur indifférent, encore une fois.

Michael Abramovich

Programme sage en apparence que celui de ce récital : les sonates 4 à 6 de Mozart (K. 282 à 284). Etait-ce bien sérieux pour un pianiste tel que Michael Abramovich de gaspiller son talent pour des sonates que tous les apprentis ou amateurs ont tenté de jouer avec plus ou moins  de succès, séduits par l'apparente simplicité de leur écriture ?

Même sous les doigts des plus grands — Haskil, Brendel, Badura-Skoda, Pirès et combien d'autres — on n'a jamais entendu ces sonates atteindre une telle dimension, un tel pouvoir. À croire que ces grands interprètes avaient dû estomper ou gommer tout ce que nous découvrons avec ce pianiste hors du commun. Michael Abramovich n'aime manifestement ni les perruques poudrées, ni la poussière.

Chacun a en mémoire le Mozart ébouriffé que campait Milos Forman dans son Amadeus. Romanesque à souhait, historiquement mensonger, mais psychologiquement vrai. C'est ce Mozart que nous avons écouté, libre, joueur, désinvolte ou grave, sûr de son génie.

Certains pourront être décontenancés, irrités par une telle approche qui diffère tant de « la » tradition, fut-elle inspirée. Sa cohérence, sa maîtrise emportent l'adhésion, et les acclamations nourries du nombreux public le confirment.

Car ces sonates ne sont ni des enfantillages, ni de simples divertissements de style galant : Mozart a atteint une maîtrise exceptionnelle lorsqu'il les écrit. Et le mérite de Michael Abramovich est d'en renouveler radicalement l'interprétation en nous révélant toutes leurs facettes. Si le texte est, évidemment, parfaitement respecté, la métrique extrême souple, l'agogique, le phrasé permettent à l'interprète de donner à l'écriture toute sa lisibilité et sa force. Chaque phrase est ciselée, les transitions préparées, les harmonies inattendues valorisées, avec une dynamique extraordinaire. Les successions forte-piano sont démonstratives et à aucun moment l'attention ne peut être distraite. Le miracle du jeu de Michael Abramovich est de donner à l'auditeur l'impression de liberté que confère l'improvisation, avec ce que cela comporte d'attente, d'imprévisible. La notion de jeu, au plein sens du terme, a rarement été aussi bien illustrée.

Chaque sonate, chaque mouvement mériterait un commentaire. Retenons simplement les magistrales variations qui couronnent la sonate en ré majeur « Dürnitz » : Quelle clarté polyphonique, quelle richesse de timbres !

Michael Abramovich donnera deux bis, extraits de la suite « En plein air » (1926) de Bartók, dont les étranges Musettes : Pièces riches en contrastes, gouvernées par la rythmique asymétrique, dont la puissance sauvage alterne avec l'impressionnisme des mouvements lents des quatuors de la maturité.

Encore un concert mémorable.

Eusebius
2 juin 2013.

Michael Abramovich offrira le même programme au public à Berlin, puis à Palerme. Dommage que ce soit si loin…


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