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Nice, le 17 avril 2011, Jean-Luc Vannier.

Le Ballet Nice Méditerranée, danse américain à l'Opéra de Nice

The Enveloppe, chorégraphie de David Parsons - Photo D. Jaussein.

Dirigé depuis septembre 2009 par Eric Vu-An, le Ballet Nice Méditerranée présentait vendredi 15 avril trois œuvres de « Chorégraphes américains » : « le rêve d'un petit garçon qui admirait Gene Kelly au cinéma », selon l'ancien élève de Rudolf Noureev et de Maurice Béjart à l'Opéra de Paris. Unique reproche susceptible d'être adressé à cette soirée et qui, une fois mentionné, laissera libre cours aux éloges dûment mérités, le programme intercalait l'Allegro Brillante créé par George Balanchine le 1er mars 1956 au City Center de New York entre deux autres pièces : en introduction The Envelope de David Parsons joué en 1984 par le Dance Theater Workshop de New York et, en conclusion, Pas de Dieux chorégraphié le 6 juillet 1960 par Gene Kelly pour l'Opéra de Paris. Maigre différence finalement dans le siècle. Mais le temps universel ne correspond pas toujours à celui, plus culturel, plus intimiste par sa créativité, de la chorégraphie. Résultat : les deux solistes du Ballet Nice Méditerranée Julia Bailet et Jean-Sébastien Colau donnent le sentiment d'un affadissement presque ennuyeux — et pourtant illusoire — du spectacle. Et ce, malgré leur impressionnante prestation physique requise par l'intensité dynamique du mouvement et par la rigueur épurée d'une exécution classique, deux exigences du chorégraphe d'origine russe qui choisit de les étayer sur le vigoureux Concerto pour piano n° 3 de Piotr Ilitch Tchaïkovsky. Lequel  méritait sans doute mieux qu'une terrifiante bande sonore contribuant à cette sensation de superficialité. Difficile, entendait-on à l'entracte, de savourer le formalisme contraignant de la tradition après avoir goûté à la liberté de l'expression corporelle !

Julia Bailet et Jean-Sébastien Colau dans Allegro Brillante - Photo  D. Jaussein.

N'était-ce point là une réaction prévisible du public après qu'il eût été séduit par la vive originalité de The Envelope signé David Parsons et remonté par Elizabeth Koeppen ? L'esprit de cet « Enfant de la danse américaine » témoigne d'une inventive modernité doublée d'une incroyable énergie à même d'éclairer la reprise de ses créations par des troupes aussi célèbres et contemporaines que la Batsheva Danse Company. Simple mais porteuse d'un irrésistible humour, l'intrigue du ballet repose sur un accessoire des plus communs: une enveloppe. Objet chorégraphique transitionnel, diront les psychanalystes qui y verront une allusion au séminaire de Lacan sur la « Lettre volée » d'Edgar Poe : un message finit toujours par parvenir à son destinataire. Ou, plus scéniquement, une véritable patate chaude d'autant plus gênante que son mystérieux contenu attire, révulse, transforme ou révèle la personnalité de celui qui la détient. Outre l'ingéniosité des jeux de lumière placés sous la responsabilité de Patrick Méeüs, les accélérations rythmiques et l'espièglerie enjouée de la partition rossinienne accompagnent les évolutions inopinées des danseurs (Stéphanie Barré, Renata Comisso, Julie Loria, Mikael Champs, Hervé Ilari, Victor Escoffier et Nicolas Rombaut) dont les corps souples et réactifs rivalisent parfois d'un saisissant contraste esthétique avec l'inaltérable surface plane du courrier.

Pas de Dieux - Photo  D. Jaussein.

En deuxième partie, les Pas de Dieux, pastiche du mythe olympien chorégraphié à l'origine par Gene Kelly a littéralement enchanté l'assistance. Il y avait de quoi : une entraînante musique jazzy de George Gershwin arrangée par Michel Legrand et parfaitement rendue par un Orchestre philharmonique de Nice sous la baguette de Philippe Auguin ainsi que des décors et costumes restituant ceux du peintre André François avec l'autorisation de son épouse. Sans oublier une pléiade d'aimables contributions, du Directeur général et de la Directrice de la danse à l'Opéra national de Paris, à celle de la Bibliothèque nationale et du Musée de l'Opéra de Paris. C'est dire. Dans cette histoire d'Aphrodite et de Zeus qui pourrait être celle d'un vieux couple, la première s'ennuie et décide, convaincue par son compagnon de jeu Eros, d'aller s'amuser sur Terre. A Paris évidemment, soupirerait Karl Lagerfeld. Elle séduit un maître-nageur tandis que le dieu de l'amour fait tomber dans son escarcelle la ravissante fiancée du pauvre terrien. Amours débridées et mises en exergue par une superbe scénographie au cours de laquelle Eric Vu-An en voyou macho livre un viril combat avec le maître de l'Olympe déguisé. Couleurs exubérantes, rythme emballé mais surtout l'impression non feinte d'un bonheur absolu, d'un authentique épanouissement des danseurs du Ballet Nice Méditerranée (Sophie Benoit, Jean-Sébastien Colau, Andres Heras Frutos, Xavier Juyon, Marie Riquet, Eric Vu-An, Julia Bailet, Céline Marcinno, Véronica Colombo et Thibaut Rousselet dans le rôle de l'enfant). De quoi succomber au charme de la magie chorégraphique.

Nice, le 17 avril 2011
Jean-Luc Vannier


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