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Nice, le 2 février 2014, Jean-Luc Vannier

« Les voix » mystérieuses de Max Emanuel Cencic charment l'Opéra de Monte-Carlo

Max Emanuel Cenčić

Lorsqu'en 2001 il décide, nous explique sa biographie, de changer de tessiture pour devenir contre-ténor après avoir commencé, dès sa prime enfance, une carrière de soprano, Max Emanuel Cenčić pense, peut-être, pouvoir substituer un registre vocal à un autre. Mais la voix, reflet subtil de l'âme humaine, ne se rase pas comme le crâne d'un bonze : ainsi apparut le célèbre artiste, samedi 1er février à l'Opéra de Monte-Carlo, pour son concert « Rokoko ». Au programme ne figuraient que des œuvres du compositeur allemand de musique baroque Johann Adolf Hasse (1699-1783), auteur de plus d'une cinquantaine d'opéras et de nombreux oratorios.

Un concert brillamment soutenu par l'orchestre Armonia Atenae, nouveau nom international du Camerata d'Athènes, dirigé par le maestro George Petrou. Lequel fit entendre avec toutes les marques de ponctuations et de rythme mais aussi toute l'accentuation nécessaire des nuances, de magnifiques ouvertures (« Artemisia », « Siroe, rei di Persia ») ainsi qu'une pièce d'orfèvrerie musicale : le concerto pour mandoline en sol majeur, opus 3 no 11 avec l'instrumentiste Markellos Chrysikopoulos.

Une voix ? Des voix ? La question se pose : dans sa prestation monégasque, le contre-ténor a, semble-t-il, délibérément choisi un registre phonique de mezzo pour interpréter tous ses airs, à l'exception des deux derniers, l'air d'Orazio « Dei di Roma, ah perdonate » tiré de « Il trionfo di Clelia » et celui de Sesto « Vo disperato a morte » extrait de Tito Vespesiano où d'impressionnantes — et réussies — envolées sopranistiques culminent. Tous les autres titres furent cantonnés dans le médium, sans chercher à pousser la voix, mises à part, ici ou là, quelques furtives élévations.

Etrangement, dans les deux « bis » qu'il a bien voulu offrir au public légitimement enthousiaste, le contre-ténor, à l'évidence plus à l'aise après son répertoire officiel,  a multiplié de superbes notes aiguës : ne précise-t-il pas dans un portrait réalisé en 2012 qu'il préfère la théâtralité opératique aux scènes des concerts qualifiées de « Furchtbar sterile » ? Ce choix du chanteur interroge d'autant plus que son extraordinaire élasticité lui garantit — encore — des aptitudes pour ce genre d'acrobaties : vocalises éminemment souples, notes hautes admirablement tenues soit en douceur, soit sur le mode forte, notamment dans ses deux airs finaux, alors que la puissance d'émission dans ses graves, outre les inconvénients d'une proximité de l'orchestre sur le plateau, se révèle nettement plus faible.

Le contraste est même saisissant en comparaison de sa fantastique interprétation, au Paléo Festival 2010 de Nyon, d'airs quasi suraigus de Rossini et d'Haendel. Certes, le contre-ténor possède toujours cet indéniable talent pour exprimer cette intensité dramatique et nourrir d'une épaisseur à la fois psychologique et charnelle, chacune de ses mélodies. Deux atouts qui lui permettent, même dans un récital, d'incarner immédiatement les personnages dont il chante, heureuses ou tragiques, les éclatantes destinées.

On regardera avec intérêt son fascinant portrait réalisé en 2012.

Nice, le 2 février 2014
Jean-Luc Vannier


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