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Samedi 23 août 2014, Parc floral de Paris, par Flore Estang ——

L'Orchestre français des jeunes au Parc floral de Paris : la relève musicale est assurée

Pour sa saison estivale musicale 2014, le Parc floral de Paris accueille l'OFJ, pendant deux journées de concerts riches et variés, avec la présence de Madame la Maire du xiie arrondissement. Alors que, sous prétexte de crise en France, les subventions diminuent, que les aides disparaissent pour toutes les associations musicales ; alors que même les institutions, conservatoires, orchestres et théâtres, crient avec désespoir leurs fermetures imminentes ; les musiciens, eux, multiplient les talents sur le sol français. Côté vocal, les excellents jeunes chanteurs professionnels entendus à Tours jeudi 21 août, lors de l'Académie Francis Poulenc, ont prouvé, s'il est besoin, leurs qualités techniques et musicales et rassuré les mélomanes sur la jeune génération lyrique. De même, pour la musique instrumentale, de jeunes musiciens ont montré, au Parc floral, leur talent prometteur.

L’OFJ au Parc Floral de Paris.Denis Russell Davies et les solistes de l'orchestre - Photographie © Serge Ekk.

Chaque année, une centaine d'instrumentistes, entre 16 et 25 ans, sont recrutés par l'OFJ, en résidence à Aix-en-Provence, pour travailler, pendant un petit mois estival, les œuvres qu'ils donnent ensuite fin août, cette année à Aix, la Chaise-Dieu, Paris et Bucarest. Avec quel programme ! Grâce à l'acoustique parfaite des installations du Parc floral de Paris, le public enchanté jouit d'un concert rare, dans lequel le brillant des violons, la profondeur des basses, les couleurs variées des bois et cuivres, la richesse des harmoniques de tous les instruments, y compris les percussions, sont mis en valeur. La réverbération est juste suffisante pour ne pas rendre le son trop sec et aide à restituer toute la palette des couleurs orchestrales, dans Mozart, Richard Strauss, Escaich et enfin Saint-Saëns.

Russell Davies à la tête de l'OFJ. Parc floral de Paris, août 2014. Photographie Serge Ekk.

Avec une présence chaleureuse et une souplesse stable, Dennis Russell Davies, qui, entre autres fonctions, enseigne la direction d'orchestre au Mozarteum de Salzburg, dirige avec efficacité et charisme les cent jeunes hypnotisés par ses gestes. Son autorité naturelle et massive domine les musiciens et le moindre de ses mouvements, d'une grande précision, est traduit musicalement. Même le jeu de jambes complète la gestique du maestro : plus écartées pour un maximum de stabilité dans les tutti, plus dansantes dans les passages  légers, tournées à gauche ou à droite, selon les timbres à mettre en valeur ; tout est anticipé, étudié, efficace, pour le plus grand bonheur des musiciens, dont le visage rayonne parfois, et du public. La communication entre lui et les instrumentistes est quasi un acte d'amour, comme écrit Cocteau pour Rouletabille, une « érection de l'âme », tant le bonheur partagé par l'ensemble du plateau est transmis au public nombreux et enthousiaste.

L’OFJ, Thierry Escaich et Russell Davies au Parc floral de ParisDenis Russell Davies et les cordes graves de l'orchestre - Photographie © Serge Ekk.

Malgré les chaises branlantes construites pour procurer de l'emploi aux kinésithérapeutes, malgré le froid qui transit les spectateurs, les moments de grâce n'ont pas manqué dans cette explosion de sons magnifiques, des harmonies les plus subtiles au tintamarre le plus gigantesque. L'acoustique est telle, et les partitions si bien écrites, que pas un son ne heurte les oreilles sensibles, tous les fortissimi amenés par une expression dramatique et juste. Dans Ainsi parlait Zarathoustra, l'orchestre a montré avec brio toute la palette des couleurs straussiennes, les mélanges de timbres des bois et cuivres (même les soubassophones ou hélicons) et les nombreuses percussions interprétant les ambiances les plus mystérieuses alternant avec le rythme joyeux (quoique…) et presque endiablé de la valse. Dès le fameux thème de Zarathoustra, les choix orchestraux de Strauss sont mis en valeur, la seconde mélodie, plus tendre, a été entonnée par l'ensemble des cordes avec un magnifique legato et une grande émotion.

Le programme adroitement conçu a préparé le public à la suite tirée de l'opéra Claudede Thierry Escaich, et la troisième symphonie de Saint-Saëns clôture avec brio et émotion ce concert de grande qualité. L'œuvre du célèbre organiste, improvisateur et compositeur séduit l'auditeur et l'entraîne au sein d'une multitude de paysages sonores.

Thierry Escaich, Dennis Russell Davies et l’OFJ au Parc floral de Paris. Thierry Escaich, Dennis Russell Davies et l'OFJ au Parc floral de Paris. Photographie © Serge Ekk.

Les nombreux motifs mélodiques émergeant de la partition d'Escaich structurent l'écoute, dans un déferlement acoustique utilisant toute la palette sonore de l'orchestre. Les moments dramatiques sont variés, assez courts, et permettent à l'auditeur de passer rapidement d'un climat psychologique à un autre, sans lassitude. Certaines évocations musicales sont très « visuelles », les harmonies tendues, évoquant un accompagnement cinématographique à suspense. Les rythmes irréguliers et complexes alternent avec des pulsations marquées et régulières aux cordes graves. Les percussions se répondent et dialoguent avec les autres familles, comme le xylo avec la flûte. Chaque timbre devient un personnage, l'expression est souvent dramatique : dès le début de la partition, après-coups de fouet cinglants et trilles des violons, le piano résonne dans une ambiance inquiétante. Les peaux évoquent une danse sauvage et effrénée, et chaque minute de cette musique est enrichie de nombreux évènements sonores qui s'emboîtent et se complètent. Les tessitures des solistes sont mises en valeur, par exemple la clarinette monte une échelle de notes pianissimo jusqu'à l'extrême aigu. Pour l'harmonie, les accords complexes cèdent parfois la place à des quintes à vide, souvenir de temps anciens. Des motifs mélodiques parfois chantants parsèment la partition (celui du cor anglais, tonal et conjoint), les pédales tenues par les cordes graves assurent une unité, la résonance des cordes, piano et harpes, est convoquée abondamment. Et ce ne sont que quelques exemples parmi la profusion d'éléments musicaux contenus dans l'œuvre.

Les jeunes solistes, issus de Conservatoires à rayonnement régional ou d'un de nos deux Conservatoires supérieurs, comme le talentueux premier violon Antoine Paul, sont à la hauteur de la partition, en particulier la violoncelliste Cécile Beutler, de Boulogne-Billancourt, dont le son rond, bien projeté, souple et expressif, possède toutes les qualités pour une partition soliste. Les cent et un jeunes talents recrutés ne sont pas tous français, tant s'en faut. Mais parmi les trente violons, par exemple, les trois quarts viennent de l'Hexagone.

Denis Russell Davies et l'OFJ. Photographie © Serge Ekk.

Flore Estang
23 août 2014

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