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Yves Chartier, Professeur d'histoire de la musique à l'Université d'Ottawa : Documents pour servir à l'histoire de la théorie musicale.

Ambiguités de la notation musicale au IXe siècle : Hucbald de Saint-Amand (v. 850-930), Musica (v. 880), §§ 44-46

Indications biographiques

Poète estimé, familier de la cour de Charles le Chauve auquel il était peut-être apparenté, hagiographe recherché (Vitae de Ste Rictrude et de S. Lebwin), compositeur d'hymnes, d'un trope, d'une "prose" (séquence) et d'un office liturgique, Hucbald de Saint-Amand doit, paradoxalement, sa réputation comme théoricien à des œuvres qui se sont révélées ne pas être de lui : Musica Enchiriadis, Scolica Enchiriadis, Alia Musica, Commemoratio brevis de tonis et divers autres petits traités placés en bloc sous son nom par leur premier éditeur, Martin Gerbert (Scriptores I, Saint-Blaise, 1784). En revanche, le seul traité que la critique reconnaît désormais comme authentique, (De) Musica (antérieurement De Harmonica Institutione), était généralement tenu pour peu d'importance. Ce traité pourtant, rédigé probablement dans les années 880 à l'intention des jeunes moines de l'abbaye d'Elnone (Saint-Amand) ou de Sithiu (Saint-Bertin) dans le nord de la France, contient des renseignements précieux sur la classification des notes, des intervalles, des consonances, des tétracordes et des modes ecclésiastiques (modi, toni, tropi) et représente la première tentative de concilier la doctrine de Boèce, essentiellement tourné vers l'Antiquité, avec la musique liturgique de l'époque carolingienne encore en voie de constitution. Aux difficiles problèmes posés par les nombreux types de notation neumatique alors utilisés, Hucbald propose diverses solutions qui préfigurent les innovations capitales de Guido d'Arezzo, un siècle et demi plus tard : à côté de la notation alphabétique, peu pratique (mais dont il propose néanmoins un modèle), il eut le pressentiment de la notation sur lignes, ancêtre de notre portée actuelle.

Bibliographie, éditions

Y. Chartier, L'œuvre musicale d'Hucbald de Saint-Amand : les compositions et le traité de musique, 1995 (éd. critique d'après l'ensemble de la tradition manuscrite, traduction et commentaire, avec bibl. complète à cette date). Trad. anglaise : Warren Baab, 1978 (YMTTS, 3). Trad. allemande : Andreas Traub, dans Beitrage zur Gregorianik 7 (1989).

Synopsis

Introduction (§§ 1-3)

I. Les notes (voces, §§ 4-6): homophones (aequales) et hétérophones (inaequales).

II. Les intervalles (du demi-ton à l'octave, §§ 7-12).

III. Les six consonances (§§ 13-14): trois simples (8ve, 5te, 4te) et trois composées (8ve + 5te, 8ve + 4te, double 8ve).

IV. Son brut et son musical (Sonus et phtongus): étymologie, définition (§§ 15-17).

V. Ton et demi-ton (§§ 18-28).

VI. Les tétracordes : définition, diagrammes et application au répertoire (§§ 29-42).

VII. Étymologie des noms des cordes (§ 43).

VIII. La notation musicale, neumatique, alphabétique, grecque (§§ 44-47).

IX. Les tons, tropes ou modes ecclésiastiques : mécanisme, application au répertoire, avec de nombreux exemples (§§ 49-53).

Extrait

Passons maintenant aux signes musicaux1 afférents à chacune des cordes [du Grand Système grec]... Ces signes furent inventés dans le but suivant : de même que les lettres permettent d'identifier dans un texte écrit les sons et les phonèmes [dictiones] des mots sans que l'esprit du lecteur puisse s'y tromper, ainsi devient-il possible, même sans l'aide d'un maître, de chanter du premier coup, une fois leur connaissance acquise, n'importe quelle mélodie notée à l'aide de ces signes. Ce résultat, on ne peut pas du tout l'atteindre avec la notation actuellement en usage et qui, de surcroît, est formée de divers signes variant selon les régions, bien que ceux-ci puissent se révéler de quelque secours pour la mémoire. C'est, en effet, par un sentier toujours incertain qu'ils conduisent le lecteur, comme on s'en rendra compte en considérant la formule mélismatique suivante : ALLELUIA [avec neumes] .

45. Lorsqu'on examine attentivement la première note neume, qui paraiît tendre vers l'aigu, on voit qu'il est facile de l'exécuter sur n'importe quelle hauteur2. Or, si l'on essaie de rattacher la seconde note (qui, comme on le remarque, tend plutôt vers le grave) à la première, il n'est aucunement possible, à moins de l'apprendre par oreille d'un autre chantre, de discerner clairement l'intervalle à exécuter, c'est-à-dire si l'on doit séparer la première note de la seconde par un, deux ou trois notes [puncta], conformément aux intentions du compositeur. La même remarque vaut pour les autres neumes. Mais si -- et c'est ce que;l'exemple suivant démontrera -- on lit la même formule mélismatique notée à l'aide de notre notation, on reconnaîtra aussitôt, et sans doute possible, son contour caractéristique. Voici donc la même formule ainsi notée : Al- i -le- m -lu- p p m -ia c f La lettre i représente la mèse [la], m, le lichanos des mèses [sol]. Entre celles-ci prend place un intervalle d'un ton. p représente la parhypate des mèses [fa], également distante du lichanos des mèses par un ton ; le second m représente encore le lichanos des mèses [sol], mais résonant au-dessus de la parhypate des mèses [fa] ; c,quant à lui, représente l'hypate des mèses [mi], à distance d'un demi-ton de la parhypate des mèses [fa] ; f,la dernière lettre, symbolise le lichanos des mèses [ré], à un ton de l'hypate des mèses [mi].

46. La formule schématique suivante, utilisée pour le premier ton authente et au-dessus de laquelle nous placerons les mêmes lettres minuscules de notation alphabétique, fera ressortir plus clairement quels sont les sont représentés dans l'exemple précédent : No - i - ne - m - no - p c -e- p - a - p c - ne f Ainsi donc, les signes de notation neumatique [notulam] et alphabétique [litteram] que vous avez vus dans la formule alléluiatique précédente, n'hésitez pas à les exécuter ici de la même fa¢on. Les signes pneumatiques usuels, toutefois, ne doivent pas être tenus pour tout à fait inutiles, particulièrement lorsqu'il s'agit d'indiquer le mouvement lent ou rapide de la mélodie, ou si le son représenté contient une note tremblée [tremulam], ou bien de quelle manière ces sons-là sont rassemblés un un seul groupe neumatique ou séparés l'un de l'autre, ou encore s'ils se terminent par une cadence [claudantur] sur un degré inférieur ou sur un degré supérieur, selon la signification de certains passages du texte3, — toutes choses que les signes alphabétiques artificiels ne peuvent absolument pas exprimer — alors la notation pneumatique peut se révéler d'une réelle utilité. Voilà pourquoi si l'on appose, au-dessus ou autour de ces neumes, ces lettres minuscules tenant lieu de notes pour chacun des sons de la"gamme"[phtongos], il deviendra possible de discerner parfaitement et sans erreur aucune le véritable contour des mélodies : les lettres indiqueront de combien chaque note monte à l'aigu [elatius] ou de combien elle descend au grave [pressius], tandis que les neumes fixeront d'une manière plus certaine dans l'esprit les inflexions mélodiques dont il fut question plus haut, et sans lesquelles on ne peut composer aucune mélodie convenable.

Notes

1. Les lettres de l'alphabet servant à noter la musique grecque.

2. Ou : en fonction du registre de la voix [casu].

3. Ou encore : selon le décompte des syllabes à chanter.


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Vendredi 3 Juin, 2022

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