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Edda Erlendsdóttir, pianiste

Edda ERLENDSDÓTTIREdda Erlendsdóttir. Photographie © DR.

Edda Erlendsdóttir est née en Islande, pays des geysers, des volcans, des glaciers, le tout en état de marche. Habitée au début du viiie siècle par des moines irlandais à la recherche de tranquillité, d'inspiration au recueillement et peut être d'un peu de fainéantise peinarde, l'île fut bientôt peuplée par des Norvégiens qui y trouvèrent leur nouvel Éden. Ils y développèrent une société particulièrement brillante, libre, pas très riche. Ils s'étendirent en une seconde petite colonie au Groeland à la suite d'Éric le Rouge. À la fin du xiiie siècle, le pays tomba sous la domination de la Norvège, puis du Danemark, voire de l'Allemagne, qui puisèrent ce qu'ils purent d'impôts de ce pauvre pays rural. Ce n'est qu'en 1911 qu'une Université islandaise est érigée, le collège de musique (conservatoire), le Tónlistarskólinn í Reykjavík, voit le jour en 1930. En 1944 l'Islande devient une république indépendante. L'Orchestre symphonique national est formé en 1950. Qui veut faire de la musique d'un haut niveau doit alors étudier à Copenhague ou en Allemagne. En général à Copenhague puis en Allemagne. Les musiciens allemands et autrichiens, qualifiés de juifs, pourchassés par les autorités nazies de leur pays, réfugiés en Islande, furent d'un grand apport pour l'éducation musicale.

Edda Erlendsdóttir naît dans la capitale. Sa mère est née dans une ferme, son père dans un bourg de la côte sud-est où il jouait de la trompette dans la fanfare locale. Il veille au grain : à la naissance, Edda a indiscutablement des mains de pianiste, dès l'âge six ans, elle est devant un piano.

La pratique chorale matinale quotidienne des classes de l'école rassemblées est également motivante. Elle est animée par un professeur vaillant, originaire d'une ferme avoisinant celle de la mère d'Edda. Le monde est petit, l'Islande encore plus. Il y a aussi un ensemble vocal auquel Edda participe tout au long de son enfance.

Au piano, elle commence avec une jeune enseignante, elle-même élève d'une pianiste ayant étudié dans une très bonne école à Hambourg. Edda s'en souvient comme d'une personne stricte et sensible. Avant Noël, elle faisait déchiffrer ses élèves. Ceux qui s'en sortaient le mieux recevaient des cadeaux. Edda était souvent parmi ceux-là. Cette professeur savait motiver, en organisant notamment de nombreux concerts. Elle décida, quand sa jeune et brillante élève atteignit l'âge de seize ans, qu'il était temps de changer de professeur, mais elle suivra son travail tout le temps de ses études en Islande et même après.

C'est maintenant le Conservatoire de Reykjavík. Après en avoir accompli les cycles, il y a un petit flottement quant au choix de la spécialisation. Le directeur veut la diriger vers la filière d'enseignement, mais appuyée par sa professeur elle opte pour celle de soliste. Au bout du compte, elle suit les deux filières très exigeantes.

Stagiaire à l'Académie d'été de Nice, elle est encouragée par Pierre Sancan qui lui propose de venir travailler dans sa classe au Conservatoire national supérieur de Paris. En comparaison avec l'Islande où l'on est pudique et réservé, ce sont pour elle des effusions. Attirée par la culture et la langue françaises depuis le lycée, grâce à un professeur enthousiaste, fascinée par le siècle de Louis xiv, cela est bien tentant, d'autant qu'elle a déjà rencontré, à Nice, son futur beau-frère. Appuyée par Pierre Sancan, elle obtient une bourse du gouvernement français, souscrit un prêt étudiant en Islande. Direction Paris.

La première année est tout de même duraille, à cause du foyer religieux de jeunes filles où elle est logée, à cause de la langue, à cause des habitudes, de ce qu'on a imaginé, de ce qui n'est pas comme on a imaginé, à cause de l'arrivée en hiver et de la bronchite. La Ville lumière lui paraît alors assez grise, heureusement qu'il y a « le vin, le pain et le Boursin », comme dit une publicité du temps.... et la famille Manoury qui est pour elle une véritable famille d'accueil.

Par la suite, Pierre Sancan lui trouve une chambre de bonne à Paris en échange de répétitions de piano quotidiennes pour les enfants des propriétaires.

Edda ErlendsdóttirEdda Erlendsdóttir. Photographie © DR.

Edda Erlendsdóttir choisit donc la nationalité parisienne, jette son dévolu sur le frère de son beau-frère, achève son cycle de perfectionnement et entre dans la carrière. Donne des concerts dans le monde entier, pas mal en Scandinavie quand même, passe à la radio, au passage elle est lauréate de la Fondation Yehudi Menuhin. Elle enregistre pour des radios et des télévisions, ses disques sont régulièrement diffusés sur les ondes. Elle joue en soliste, en musique de chambre, avec orchestre. Elle a enregistré à ce jour sept cédés qui renferment de magnifiques joyaux peu connus, malgré la renommée des compositeurs, notamment les concerti et concertini de Haydn avec l'orchestre symphonique d'Islande, de Haydn encore, des pièces solistes, les pièces lyriques de Grieg dont ont ne se lasse pas, des pièces magnifiques de Tchaïkovski, des sonates, rondos et fantaisie de Carl Philippe Emmanuel Bach, avec la violoncelliste Bryndís Halla Gylfadóttir, des pièces de Zoltán Kodály, Bohuslav Martinů, George Enescu et Leoš Janáček, et une grande déclaration de modernité en marche avec un cédé de pièces de Schubert, Liszt, Schönberg et Berg. Difficile de faire un choix. Un jour c'est l'un, un jour c'est l'autre, d'autant qu'elle a un piano clair et chaleureux qui sait draguer l'auditeur.

Elle a enseigné au Conservatoire national supérieur de Lyon. Elle enseigne maintenant à celui de Versailles, à deux pas de ses fascinations de lycéenne. Elle est également la pianiste de l'ensemble Tempo di Tango.

N'oubliant pas son pays natal, elle crée et dirige pendant une quinzaine d'années le premier festival estival en Islande, à Kirkjubæjarklaustur au sud du pays, en pleine ruralité, près de la ferme de sa mère. Musique de chambre avec piano. Il lui a fallu deux années pour collecter l'argent nécessaire à l'achat du piano, auprès de personnalités, de fermiers qui apportèrent chacun la valeur d'un ou de deux agneaux, avec des concerts. Ce festival est à ce jour encore florissant.

Jean-Marc Warszawski
23 septembre 2014
© musicologie.org


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