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Par Jean-Marc Warszawski —— 11 mars 2014.

Concerto à la mémoire d'un ange

Concerto à la mémoire d'un ange

Galliari Alain, Concerto à la mémoire d'un ange (Alban Berg 1935). Fayard, Paris 2013 [184 p. ; ISBN 978-2-213-67825-2 ; 15 €].

Le Concerto à la mémoire d'un ange est une des grandes réussites d'Alban Berg, un chef-d'œuvre du répertoire, qui produit un effet de grande tristesse et d'inquiétude. L'ange est Marion Gropius, décédée en 1935 de la poliomyélite à l'âge de 18 ans, fille du célèbre architecte maître du Bauhaus. Sa mère, Alma, dont les amours ont fait fantasmer les biographes, avait été l'épouse de Gustav Mahler. Alban Berg meurt le 24 décembre 1935 peu après avoir achevé la composition.

Ces circonstances, le titre poétique, n'ont pas manqué d'entourer cette œuvre d'une aura romanesque qu'elle n'a peut-être pas, en tout cas pas selon ces termes.

Alain Galliari rappelle que Berg qui était loin de penser vivre ses derniers jours n'a pas composé son propre Requiem (on pourrait en dire autant de celui de Mozart), et qu'il n'était pas amoureux de la jeune Marion Gropius.

Après ce rappel de bon sens, l'auteur remet sur le métier et enrichit l'enquête de manière minutieuse, qui montre comment la mort de Marion Gropius a vivifié l'inspiration du compositeur qui planchait laborieusement, pour des raisons alimentaires, sur une commande — car ce concerto pour violon et orchestre est au départ une commande du virtuose américain Louis Krasner — en réalité par un retour sur lui-même et ses amours, les femmes aimées, dans une atmosphère sociale et politique pourrissante (nous sommes en 1935), dans une situation personnelle pécuniaire morose.

Comme ses amis Schönberg (en exil) et Webern, Berg vénère l'art (du contrepoint) des organistes du nord, avant tout celui de Johann Sebastian Bach. Comme eux, Berg pratique ce qu'on appelle la rhétorique musicale, l'art du message ou des hommages caché, par les citations (son concerto intègre le choral de Bach « Es ist Genug » et un air populaire de Kärnten, région autrichienne), les chiffres (nombre ou numéro de mesures par exemple), mais aussi par les encodages que permettent, les noms des notes chez les Anglo-saxons (A, B, C, D, etc.), on connaît le célèbre B-A-C-H (sibémol, la, do, si), que Bach utilisa pour signer Die Kunst der Fuge.

Ainsi retrouve-t-on son épouse Hélène, Hanna Fuchs (H-F = si-fa), le grand amour impossible qui le rongera toute sa vie, et la Mizzi (= Marie) de l'air populaire, qui plus qu'un jeu sur le surnom de Marion (Mutzi) serait l'évocation Marie Scheuchl, employée de maison avec laquelle il eut, à l'âge de dix-sept ans, une fille.

Le récit allègre comme un polar, proche du lecteur, soutenant l'attention et le suspens, notamment par des anticipations, se prolonge par une réflexion sur la prise de conscience de la mort qui dépassant peut-être les strictes limites du sujet, pourrait être celle de l'auteur lui-même.

Jean-Marc Warszawski
11 mars 2014

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