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Dijon, Opéra, Auditorium, 8 novembre 2014, par Eusebius ——

Beethoven et Schubert à l'Opéra de Dijon

Photographie © Orchestre de Dijon Bourgogne.

Les pires craintes relatives à la disparition de l'Orchestre Dijon-Bourgogne semblent maintenant dissipées, même si l'avenir de la formation reste à inventer. Après l'annulation du premier concert de la saison, l'ODB se produit ce soir avec le chœur de l'Opéra de Dijon et des solistes issus du Studio de l'Opéra National de Lyon.

En ouverture, la 4e symphonie en si bémol majeur  de Beethoven, trop rarement jouée. Le premier mouvement est d'une beauté réelle. Tout juste regrette-t-on que les bois soient trop souvent écrasés par les cordes, avec des bassons ouatés. L'adagio séduit, bien mené. Mais pourquoi réduire la dynamique du rythme introduit par les seconds violons, qui va gagner tout l'orchestre ? La clarinette solo et la flûte sonnent joliment, toujours mieux que les bassons. Le menuet et son trio ravissent. Quant au finale, enlevé avec une fougue singulière1, il ne trouve le « bon » tempo qu'après la fin de la reprise, pour aboutir à une coda flamboyante. Interprétation tout-à-fait honorable pour un orchestre encore sous perfusion.

La Messe en la bémol (D. 678) de Schubert est une œuvre monumentale par ses proportions et par ses redoutables difficultés. Elle requiert, outre quatre solistes, un chœur particulièrement virtuose.

Un Kyrie apaisé suivi d'un Gloria contrasté introduisent la succession traditionnelle. La double fugue du Cum sancto spiritu est imposante. Elle s'ouvre de façon prometteuse avec une belle dynamique, mais la perd bientôt, car on perçoit la tension de l'orchestre, qui génère un jeu quelque peu scolaire, sinon mécanique. Dommage, car le chœur s'y révèle remarquable, avec une grande clarté malgré la complexité de la page. Le finale est lumineux, s'achevant par un Amen développé. Les attaques douteuses des cuivres (des trombones en particulier) gâchent un peu le plaisir du début du Credo. L'entrée du chœur a cappella, impérieuse, homophone est magistrale. Le recueillement de l'Et incarnatus, la douleur du Crucifixus, la joie contenue puis affirmée de l'Et resurrexit, le long Amen aussi, confirment la qualité réelle de l'ensemble. Du Sanctus, on retiendra l'écriture orchestrale du début, particulièrement originale, et le Hosanna ternaire, pastoral, où le chœur brille de tous ses feux. Un Benedictus splendide, avec un trio de solistes très équilibré. L'Agnus Dei, avec la combinaison des solistes et du chœur, et son Dona nobis pacem s'achevant pianissimo sont remarquables.

Gergely Madaras. Photographie © Balazs Borocz.

La direction de Gergely Madaras se caractérise par une gestique claire, démonstrative, voire extravertie. Trop souvent rivé à la partition, son attention principale est portée à l'orchestre. L'équilibre entre les pupitres penche en faveur des cordes, qui étouffent ponctuellement les bois. L'orchestre sonne parfois  remarquablement, avec de belles cordes, premiers et seconds violons en particulier. Les bois paraissent en retrait même lorsque l'écriture les place en avant, pâles et sans grande saveur par rapport aux instruments baroques. L'articulation peut encore progresser. Quant aux cuivres, les attaques sont délicates et la justesse parfois prise en défaut (Credo…).

Le chœur, préparé pour l'occasion par Alexandre Herviant, s'est révélé admirable, proche de la perfection. Homogène, d'une émission claire et aisée (les « la » et les « si bémol » des sopranes !), dynamique à souhait, c'est une référence dont les Dijonnais peuvent être légitimement fiers.

Les quatre solistes, issus du Studio de l'opéra de Lyon, ne déméritent jamais. Une soprano remarquable, Michaela Kustekova, avec des aigus aisés, une autorité naturelle et une belle longueur de voix. Yete Queiroz au beau timbre rond et chaud d'alto, Jan Petryka, le ténor, sur la réserve au début, ne cessera de progresser pour s'épanouir  ensuite. Thibault De Damas, la basse, robuste et souple, complète harmonieusement l'ensemble.

On sort partagé. D'une part, on ne peut que se réjouir d'écouter un orchestre donné pour moribond il y a peu, ainsi qu'un chœur et des solistes de haut vol. D'autre part, il paraît impossible d'oublier la prestation superlative du RIAS Kammerchor et du Freiburger Barockorchester dans cette même salle, il y a trois jours, avec entre autres, le Requiem pour voix mixtes de Cherubini. Le public de ce soir, différent, est venu soutenir « son » orchestre. Ne gâchons pas son plaisir : l'ODB le mérite pleinement et se trouve sur la bonne voie.

Eusebius
10 novembre 2014

1. Allegro ma non troppo !


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