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Dijon, Grand Théâtre, 3 février 2013, Eusebius

Actéon, Pan et Syrinx ou Ovide revisité par Le Concert d'Astrée

actéon, Pan et SyrinxLe Concert d'Astrée. Photographie © Frédéric Iovino.

Production originale que celle-ci, qui associe Lully à Marc-Antoine Charpentier, à travers deux pages dramatiques inspirées par Ovide. Celui-ci, il est vrai, était familier au public du Grand siècle, et ses Métamorphoses fournissaient aux musiciens une mine intarissable d'intrigues mythologiques.

C'est sur Pan et Syrinx, essentiellement de Lully, que s'ouvrait le spectacle. L'assemblage de pièces de diverses origines pour faire un ouvrage lyrique est une pratique attestée de longue date (le pasticcio de l'Italie baroque), et connaît un retour en grâce (The Enchanted Island, créé à New York, au Met, il y a peu).

On pourrait s'interroger sur l'intérêt de la démarche s'il ne s'agissait aujourd'hui pas moins que de (re)découvrir une page rare de l'opéra des musiciens, Isis : l'épisode du 3e acte, riche des se trois chœurs (« Liberté ! », « Aimons sans cesse » et « Courons à la chasse »). Et il faut bien reconnaître que le collage des deux extraits de tragédies lyriques de Lully et d'une pièce d'une suite de Marin Marais est non seulement légitime, mais surtout d'une cohérence naturelle et bienvenue.

La réalisation scénique se résume à un théâtre d'ombres, projeté au-dessus des évolutions mimées des chanteurs, dont les tableaux vivants sont un régal. Le tout dans une obscurité voulue, qui concentre l'attention sur la musique.

Malgré les références musicologiques à la prosodie (Bénigne de Bacilly), l'intelligibilité du texte fait fréquemment défaut lorsqu'il est confié aux seuls solistes. Où sont passées les consonnes ? L'exigence déclamatoire de Lully ? La diction exemplaire des productions d'il y a cinquante ans n'est pas une légende. Les Michel Sénéchal et autres sont demeurés sans descendance, hélas. Par contre il faut souligner la force expressive des chœurs, qui à eux seuls justifient le spectacle.

Pan (Jean Michel Ankaoua) manque de graves, Syrinx (Elodie Kimmel) est gentille, sans plus. Certes, on joue la comédie : dans Isis, il s'agit de théâtre dans le théâtre, mais doit-on pour autant demeurer superficiels ? La musique répond par la négative.

Actéon sera mieux servi. La pastorale de Charpentier est devenue classique, produite et enregistrée par Christie, puis Rousset, l'an passé. Le sujet a été traité sous forme de cantate par Boismortier, et peut-être une confrontation serait-elle bienvenue.

La mise en scène de Damien Caille-Perret est intelligente et efficace. Tout juste peut-on émettre deux petites réserves: Il est gênant, pour le moins, d'entendre Actéon chanter « les ombres raccourcies » puisque « le soleil a fait la moitié de son tour » dans un décor parfaitement obscur. D'autre part, malgré l'intérêt musical soutenu, je n'ai pu m'empêcher de penser que ce beau décor sylvestre, où notre héros est transformé en cerf, Diane lui portant les bois…pourrait tout aussi bien convenir à Falstaff, n'était la corpulence du personnage.

Ceci dit, la scène est convaincante, ingénieuse, les mouvements particulièrement bien réglés, les éclairages bienvenus, décors et costumes originaux : une réussite.

Dominent la distribution l'Actéon bien campé par Samuel Boden et la Junon d'Anna Wall, parfaite.

Emmanuelle Haïm dirige son Concert d'Astrée avec l'intelligence et l'autorité habituelles, avec un équilibre et une dynamique exceptionnels. Et tant son ensemble instrumental que ses onze chanteurs méritaient pleinement les longues ovations d'un public connaisseur, majoritairement familier de Beaune et de ses fastes baroques.

Saluons aussi l'effort consenti par l'Opéra de Dijon en direction de son public : l'introduction au spectacle de Catherine Cessac, l'éminente spécialiste de Charpentier, gage de la fidélité musicologique de cette co-production avec Lille. Et la réalisation d'un programme très complet (riche d'une iconographie à laquelle nous regrettons de n'avoir pas accès). 

Eusebius
4 février 2013
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En complément, on relira — si ce n'est fait — la « somme » publiée par Catherine Cessac sur Charpentier, chez Fayard, et l'article de Froberville, relatif à Actéon, dans la Revue de Musicologie de mai 1928, en bibliothèque.


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