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9 avril 2012, La Péniche Opéra (Paris) —— Frédéric Norac.

À corps et à cris par l'Ensemble Clément Janequin

Dommage que ce concert mis en scène qui place si haut l'horizon d'attente, ne nous abandonne et ne s'abandonne lui-même si vite à tant de platitude et de banalité.

En effet, un récital de chant sur le thème du cri, il y avait largement de quoi construire un spectacle stimulant et plein d'invention. Ce ne sont pourtant pas les pistes à explorer qui manquent et qui du reste nous sont fort intelligemment exposées parles les « invités » du spectacle : successivement un biologiste — venu nous expliquer en direct la physiologie du cri — puis en vidéo par une pédiatre évoquant le cri du nouveau-né et ses mystères et un syndicaliste la musique du cri politique, chacun nous donnant un point de vue original sur le phénomène.

Or leurs propos qui chaque fois relancent l'intérêt sont illustrés par des pièces musicales anecdotiques et qui ne touchent jamais ou presque au cœur du sujet. Dès  lors malgré les moyens mis en œuvre : mise en espace, costumes, lumières, vidéo, le propos retombe comme un soufflé mal  travaillé. Il manque d'évidence là une réelle exigence dramaturgique, une écriture pour construire un authentique spectacle. On imagine ce qu'un Jean-François Perret aurait su tirer d'un tel sujet.

Le talent des membres de l'ensemble Clément Janequin n'est pas en cause — tous sont excellents comédiens et de bons diseurs, les voix sont superbes, leur  virtuosité incontestable que révèlent quelques polyphonies Renaissance, mais ils ne parviennent pas à susciter l'intérêt avec des pièces qui, pour être tirée de derrière les fagots, ne possèdent  pas la moindre originalité formelle ou un véritable rapport de fond avec le propos, si ce n'est vaguement dans leur titre.

On se demande du coup ce que viennent faire dans ce programme  Le cri du poilu de Vincent Scotto et plus encore Les fesses des Frères Jacques . Quant aux Voix de Paris de Jean-Georges Kastner ou Les cris de la rue d'Edouard Deransard, ce sont des pièces parfaitement anodines, sans parler du Cri du Bagnerais d'Alfred Roland qui même au second degré paraît absolument interminable et hors de propos.

Il reste à se consoler avec les quelques pièces contemporaines qui parsèment le programme,  non tant le Madrigal zoologique de Régis Campo ou L'histoire du cri qui ne sont que d'agréables démarquages de la musique du xvie siècle mais avec  les deux seules pièces vraiment fortes de ce programme : une création d'Alexandros Markéas le Cri de la crise qui prend racine dans une réalité sociale contemporaine et concrétise musicalement avec force la révolte des « Indignés » face aux manipulations de la finance et une étrange pièce d'Aurélien Dumont évoquant la mort d'un enfant noyé, comme un cri silencieux, qui est donnée avec une performance en direct d'un graphiste, Michel Costiou, dessinant les yeux fermés cinq fois le même visage tragique.

Ces deux moments nous sauvent quelques instants d'un trivialité envahissante et qui fait malheureusement retour dans un bis d'une vulgarité gênante — La chanson du spermatozoïde de Ricet Barrier — où s'étale un humour du plus mauvais goût déjà sensible dans quelques autres pièces du répertoire. Une occasion manquée et deux heures parfois bien longuettes.

Ce concert fait partie d'une série dont les programmes sont chaque fois renouvelés. Espérons que l'Ensemble Clément Janequin aura la main plus heureuse pour ses prochains rendez-vous.

Frédéric Norac
9 avril 20102
© musicologie.org


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