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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

Johann Nepomuk Hummel : variations, rondos, fantaisies, pour piano

Introduction ; sonates pour piano ; variations, rondos, fantaisies pour piano ; musique de chambre ; musique concertante.

Virtuose adulé et grand improvisateur devant l’Éternel, Hummel se devait de laisser des œuvres répondant au goût des salons de l’époque, et il en a produit une multitude. On a vite fait de les passer par pertes et profits, mais il en est qui méritent un petit détour, ne serait-ce que par ce qu‘elles nous apprennent sur ce qu’était la (bonne) musique de consommation courante à Vienne au temps de Beethoven.

Variations

Parmi les nombreux cahiers de variations écrits par Hummel, quelques-uns peuvent retenir l’attention. C’est le cas des variations sur une chanson autrichienne (opus 8), où on a tout loisir d’admirer l’adresse et les tours de passe-passe de l’acrobate. Dans un style beaucoup plus « sérieux », on peut élire les variations sur un thème de Cherubini (opus 9) : « Six variations purement contrapuntiques, [où] le pianisme est affaire de tenues, de legato, de jeu polyphonique. »7  On peut aussi prêter une oreille aux variations sur « God save the King » (opus 10), contemporaines de celles de Beethoven sur le même thème, et donc prétexte à une intéressante comparaison pour les passionnés du genre. Et on sera difficilement insensible au charme des plus tardives variations sur un thème d'Armide de Gluck (opus 57), peut-être la meilleure réalisation de Hummel dans ce domaine.

Johann Nepomuk Hummel, variations sur un thème d'Armide de Gluck, opus 57, par Georgina Zellan-Smith.

Rondos

Sur une quinzaine de pièces de ce genre, il faut en retenir au moins trois : d’abord le rondo en mi bémol majeur (opus 11), une pièce fort agréable, d’humeur folâtre, qui n’est pas pour rien l’un des morceaux les plus populaires de son auteur ; le rondo « brillant » (opus 109) qui, certes, porte bien son nom, mais n’a rien d’insignifiant (« plein de vie jaillissante, et jamais ennuyeux », observe Guy Sacre) ; enfin, parmi les trois rondos inclus dans le recueil des six bagatelles (opus 107), on ne manquera pas de s’arrêter au rondo « all’ungherese » (allegretto vivacetto en ut majeur), une petite pièce d’une verve éblouissante.

Johann Nepomuk Hummel, variations en mi bémol majeur, opus 11, par György Cziffra, enregistrement public Stiftskirche zu Ossiach, Autriche, 1974.

Fantaisies et autres pièces

Faisons ici une place à part à une œuvre qui, mieux sans doute que beaucoup d’autres, nous donne une idée des talents d’improvisateur de Hummel : la Grande fantaisie en mi bémol majeur (opus 18). Dans ses trois (voire quatre) parties enchaînées, on n’échappe pas tout à fait aux moments creux si souvent reprochés au compositeur, mais on y trouve aussi (et surtout) de bien belles idées. On pourra par exemple apprécier l’andante introductif, d’une sombre gravité, et on trouvera par avance un peu de Schumann et de Liszt dans le finale. On s’arrêtera tout spécialement sur le larghetto cantabile qui le précède : « Ce rythme de marche lente, ce chant inspiré du bel canto, ces fioritures délicates et inventives, auxquelles succède à la reprise une écriture en accords battus, nous dessinent l’esquisse d’un nocturne de Chopin ; l’illusion est plus forte encore dans la partie centrale, parmi ces arpèges vaporeux aux harmonies troublantes, aux frôlements étranges, aux modulations expressives. »8

Johann Nepomuk Hummel, Fantaisie en mi bémol majeur, opus 18, I. Lento, allegro con fuoco, II. Larghetto e cantabile, III. Allegro assai, IV. Presto, par Madoka Inui.

Citons également le caprice en fa majeur (opus 49), pour sa variété et les vertus de son écriture entre deux époques, ainsi que la polonaise opus 55, pour ses épanchements sans langueur. Mentionnons pour mémoire les vingt-quatre études opus 125, que le grand pédagogue écrivit sur le tard ; leur aridité en réserve en fait la fréquentation aux jeunes stackanovistes du clavier, et elle n’avait pas échappé à Schumann puisqu’il les trouvait adroitement écrites mais dépourvues d’imagination.

Johann Nepomuk Hummel, Caprice opus 49, par Joanna Trzeciak, 1997.

 

Johann Nepomuk Hummel, Polonaise opus 55 « La Bella Capricciosa » par  Joanna Trzeciak

Mentionnons enfin quelques incursions de Hummel dans le domaine du piano à quatre mains (sonate en divertissement, opus 51, Grande sonate, opus 92, nocturne, opus 99). Incursions généralement décevantes car, à côté de quelques beaux moments, ces pages sombrent trop souvent dans le délayage et le bavardage, ce qui les rejette à des années-lumière des chefs-d’œuvre écrits par Schubert dans les années 1820.

Johann Nepomuk Hummel, Grande sonate en la bémol majeur, opus 92, III. Rondo, par Christian Ivaldi et Noël Lee, 1993.

 

plume Michel Rusquet
25 mai 2020

© musicologie.org

Bioghraphie détaillée de Johann Nepomuk Hummel.

Notes

7. Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 1440.

8. Ibid., p. 1442.

 

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Mardi 26 Mai, 2020 5:27