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9 novembre 2019 —— Jean-Marc Warszawski.

Un Brahms premier cru bien chambré

Johannes Brahms, Intégrale de la musique de chambre (v. 3). La Belle saison live, B Records 2019 (LBM 015)

Enregistré à la Chapelle reine Élisabeth, Waterloo, 2 octobre 2017 et 18 mars 208.

B Records publie le troisième volume d’une intégrale consacrée à la musique de chambre de Johannes Brahms, en trois salves et double album : Les quintettes (opus 115) et Trio (opus 114) avec clarinette, les deux sonates pour clarinette et piano opus 120, et le trio avec cor opus 40.

Des œuvres majeures. Le sublime trio opus 40, avec ses accents funèbres, composé entre 1862-1865, inspiré par une promenade dans les bois, et aussi, près de trente ans plus tard, alors qu'il pensait ne plus composer, l'inspiration lui siffle de nouveau aux oreilles pour quatre chef-d'œuvres, après avoir entendu jouer le clarinettiste Richard Mühlfeld,

N’ayant pas l’esprit collectionneur, nous ne prenons par grand intérêt au concept comme à la réalisation des intégrales (même comme ici avec les mêmes musiciens), et apprécions assez modérément le côté start’up des éditions B-record, construisant à force d’éléments de langage un peu exagérés, entre relation presse et publicité, une originalité faite de banalité, sur le fait qu’elles ne produisent que des enregistrements de concert. Mais aujourd’hui, du point de vue technique, peu de chose sépare la salle de concert du studio (surtout à la nouvelle Chapelle musicale reine Élisabeth). C’est le même ingénieur du son qui de toute manière posera les rustines, effacera les indésirables, accomplira la mastérisation. C’est une vieille idée du temps du microsillon qu’avec la stéréophonie, puis la quadriphonie, on pouvait amener l’orchestre dans son salon, voire entendre comme si on était au milieu de l’orchestre (une fausse bonne idée). En fait, un disque est un disque, qui a ses propres logiques et contraintes esthétiques, il ne sera jamais le concert in vivo, sans parler de la sociabilité qui joue aussi son rôle…

Il n’y a donc que la musique, les musiciens, et la qualité musicale de la prise de son. Là on est bien, très bien servi.

D'abord par des musiciens accomplis, pour certains compagnons de partitions et de brahms de longue date, dont les amateurs de musique de chambre connaissent le nom : Pierre Fouchenneret (violon), Déborah Nemtanu (violon), Lise Berthaud (alto), François Salque (violoncelle), Florent Pujuila (clarinette), Joël Lasry (cor), Éric Le Sage (piano).

Il y a une dizaine d’années, Éric Le Sage a enregistré une intégrale des œuvres pour piano seul et en ensemble chambriste de Robert Schumann. Du père spirituel, il passe au fils spirituel, ils s’admiraient mutuellement et accessoirement aimaient tous deux Clara. C’est une bonne transition.

Après le classicisme, développant ses thèmes par fragmentation et recomposition, une musique dont les thèmes « vont quelque part », ce qui culmine chez Beethoven, dans un romantisme plus volubile qui veut raconter des paysages, des sentiments existentiels et des histoires en recherchant les effets ou images sonores, il y a chez Brahms comme un ralentissement qui sombrera, après lui, dans le pessimisme expressionniste viennois. Chez Brahms, c’est ombre et lumière et rien à l’horizon.

Le classicisme dont les thèmes progresse vers un but, qui développe un parcours et en résoudre les difficultés et contradictions, est présent dans la musique de Brahms. Il est aussi un maître pour la brillance sonore expressive, voire rutilante du romantisme. Mais il y a également une présence triste, un renoncement, qui font que les thèmes ne tirent pas sa musique, ne l’aventurent pas sur ces parcours ou vers l’exploration des limites. Ses magnifiques thèmes et mélodies, irisent, s’opposent, se répondent, se succèdent comme autant d’impressions,

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mais ne se développent pas. C’est une prison dorée sans issue, sans espoir (l'amour impossible pour Clara ? dont il écrivit qu'elle fut la seule femme de sa vie), mais où la vie vaut tout de même le coup d’être vécue…Et la musique de Brahms d’être écoutée dans cette livraison.

 

 Jean-Marc Warszawski
9 novembre 2019

© musicologie.org.


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