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Paris, Athénée Louis-Jouvet, 3 juin 2019 —— Frédéric Norac.

Trop belle pour toi : La Belle meunière par Thomas Oliemans et Malcolm Martineau

Thomas Oliemans. Photographie © D. R.

L’apprenti meunier de Wilhelm Müller et Schubert est un proche parent du Werther de Goethe, la mélancolie chronique en moins, la fougue de la première jeunesse en plus. Dans La Belle meunière, la douleur de la désillusion est à la mesure de sa candeur et de son enthousiasme. C’est sur le chemin initiatique de l’amour non partagé, tel que peut le vivre un tout jeune homme, que nous emmène Thomas Oliemans au long des vingt mélodies du célèbre cycle, en vivant intensément chaque moment et finissant « défait », dans tous les sens du terme, dans les dernières mélodies, comme s’il avait vécu physiquement cette histoire. Le baryton néerlandais est plus qu’un interprète, il se fait médium et convoque pendant une heure dix l’âme même du Romantisme. Si dans les premiers Lieder attaqués à froid, il paraît un peu taxé par une tessiture plutôt ténorisante et laisse entendre un petit déficit de musicalité, il le compense largement par une excellente technique et une grande expressivité. Une fois la voix chauffée, son engagement dramatique, son sens de la nuance, un registre étonnant de couleurs, de l’extase amoureuse à la colère vengeresse, emportent toute réserve et convainquent pleinement. Il est brillamment soutenu par le piano de Malcolm Martineau qui est un peu la figuration du ruisseau, porteur de l'errance du héros, et apporte à son approche quasi théâtrale où les mains et les expressions du visage viennent renforcer le pouvoir d’évocation du chant, la dynamique et le cadre naturel qui la prolonge. Cette Belle meunière vibrante, sans mièvrerie, parfois même un peu âpre et loin de toute complaisance décorative, résonne dans toute sa vérité humaine longtemps après le dernier accord. Ce Liederabend de très haut niveau conclut superbement la saison 2019-2020 des Lundis musicaux d'Adolphe Cemin.

 

Frédéric Norac
5 juin 2019

 

 

 

 

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