Caen, 10 décembre 2019 —— Alain Lambert.

Sylvain Rifflet 4^tet : Troubadours Stimulants !

Le Sylvain Rifflet nouveau s'inspire du moyen âge occitan pour faire revivre, en quartet, le souvenir des troubadours et des trobairitz (Béatrice de Die¹ et Azalaîs de Porcairague²), y mêlant la monodie médiévale profane aux motifs répétitifs sur une base de bourdon plutôt indien de shruti-box, programmée par le saxophoniste et clarinettiste à chaque nouveau morceau. Ses trois complices sont le Finlandais Verneri Pohjola à la trompette, Benjamin Flament au « flamentophone », batterie mêlée de percus diverses, cloches, lames, wood blocks... et Sandrine Marchetti à l'harmonium dont le son se fond souvent avec le bourdon indien, mais qu'un moment en solo permettra de mieux identifier.

Les dix compositions du cédé sont bien sûr reprises, au conservatoire de Caen, en développant longuement leur caractère improvisé. Ainsi, le seul air connu de Béatrice de Die est précédé d'une introduction très libre des deux soufflants, avant la répétition du thème ancien en boucle et en dialogue, sur fond d'harmonium entêtant et de percussions imprévisibles. Le murmure n'est pas, lui, titré du nom d'un ancien poète comme les autres, mais raconte en musique comment le chuchotis prend de l'ampleur et devient rumeur, déjà aux temps médiévaux.

Souvent, sur le principe des musiques mécaniques propre au compositeur, le thème une fois joué s'il y en a un, la trompette ou le sax ou la clarinette (Na de Casteldoza) enroulent des arpèges sur lesquels le soliste s'appuie, le sax rêveur ou la trompette flamboyante.

En écoutant le batteur, on s'attend à un jeu familier, alors que des sons étonnants naissent sous ses baguettes et ses rythmes crépitent avec une grosse caisse au son très profond. Le premier thème, en hommage à Sordello da Goito³, sonne presque comme une musique de film historique avec ses tambours roulants. Pareil pour Bertran de Born, avec les cuivres aussi à l'unisson.

Pour le rappel, le saxophoniste, après nous avoir révélé son histoire avec la Normandie, sa mère étant de Coutances et ayant grandi à Caen, reprend The Peacocks interprété jadis par Stan Getz, manipulant sa boite à bourdons plusieurs fois tout en jouant, car il n'est plus dans la forme modale des musiques précédentes.

Un très beau concert qui confirme que le jazz, toujours en recherche d'approches nouvelles, comme les musiques contemporaines, est capable de nous étonner encore.

À retrouver en janvier à Paris au centre Pompidou, Budapest, Zurich puis en février à Chalons-sur-Saône, Saint-Claude, Cosne-sur-Loire,Tourcoing, Hambourg et en mars Aix-en-Provence, Amsterdam, Tilburg, Audincourt.

Au conservatoire de Caen, Jazz in the pocket ou l'histoire du trio jazz, par François Chesnel trio (mini concert jeune public délocalisé à Cheux) le 26 janvier, puis soirée Monk sans piano avec le quartet de Yann Letort le 10 mars, enfin Tante Yvonne big band avec David Chevalier le 28 avril.

Alain Lambert
7 décembre 2019