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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : la musique instrumentale en Allemagne de Beethoven à Schubert.

Rondos, sonatines et autres œuvres pour piano de Ludwig van Beethoven

[ Les sonates pour piano ] ; variations ; bagatelles ; rondos ; sonatines ; divers.

beethoven

Rondos

Des cinq Rondos – tous de jeunesse – qu’a laissés Beethoven, on peut aisément oublier les deux premiers (WoO 48 et 49) qu’on doit à un jeune apprenti-musicien de treize ans. On prètera en revanche volontiers l’oreille aux deux rondos qui furent réunis dans un même opus 51et que Beethoven écrivit entre 1796 et 1800 : le premier (en ut majeur) s’est d’ailleurs acquis une juste célébrité auprès des apprentis pianistes, et le second (en sol majeur), bien qu’un peu répétitif, vaut tout autant le détour pour son côté capricieux et fantaisiste.

C’est cependant le cinquième (?), le Rondo a capriccio en sol majeur opus 129 qui retient surtout l’attention. Non qu’il faille y chercher une œuvre du Beethoven ultime : derrière ce faux opus tardif se cache en fait une pièce écrite vers 1795, et même le titre dont on l’a affublé, « Fureur à propos d’un sou perdu », ne doit rien à Beethoven, celui-ci s’étant contenté d’indiquer : alla ingharese, quasi un capriccio. On a là une « pièce très singulière, pleine de force, de violence virile, [qui] peut être considérée comme l’exemple d’un certain humour beethovénien : les surprises constantes de son parcours harmonique […], ses traits de virtuosité, ses furieux martèlements d’accords, contribuent sans conteste à troubler une écoute confortable, et donnent à connaître un aspect bouillonnant, débridé, de l’inspiration du musicien. »119

Ludwig van Beethoven, Rondo a capriccio, opus 129, par Evgeny Kissin, enregistrement en public au Festival Enescu de Bucarest, 21 septembre 2007.

Sonatines

Qu’elles soient dénommées « sonates » ou « sonatines », les quelques œuvres de jeunesse qu’on présente généralement sous ce titre présentent avant tout l’intérêt de nous éclairer un peu plus sur l’itinéraire suivi par le musicien. De 1782-1783, les trois Kurfürsten-Sonaten (WoO 47) portent l’empreinte des diverses influences reçues par le jeune élève de Neefe, notamment celle de Carl Philipp Emanuel Bach et des grands Viennois. On en retient surtout la troisième (en majeur), une des pages les plus accrocheuses du tout jeune musicien, évoquant tour à tour Mozart et Haydn. Nettement postérieures (années 1788-1792), la sonate en fa majeur(WoO 50) et la sonate « facile » en ut majeur(WoO 51), bien qu’objectivement peu abouties, ne manquent pas de charme. Des premières années viennoises, la sonate en ré majeurpour clavecin ou piano à quatre mains(opus 6)est d’une bien maigre substance et tout indique que Beethoven l’écrivit à l’intention de ses élèves. Quant aux deux brèves sonatines(respectivement en sol majeuret en fa majeur) qui continuent de nourrir les recueils de « morceaux choisis » destinés aux débutants, on s’y attardera d’autant moins qu’elles ne sont probablement pas de Beethoven.

Pièces éparses

Il n’est sans doute pas utile de faire un tour complet des diverses pièces isolées écrites par Beethoven : la plupart restent des œuvres très mineures, voire anecdotiques. Il y a par exemple peu à dire des deux Préludes (opus 39)ou du Prélude en fa mineur (WoO 55) que le jeune musicien écrivit dans les années 1786-1789 en les dédiant indifféremment au piano ou à l’orgue. On accrochera davantage à l’écoute de quelques autres pièces comme les deux bagatelles isolées (WoO 52 et 56) qui, pour le moins, ne manquent pas de tempérament, et plus encore aux trois Klavierstücke (WoO 60, 61 et 61a), trois étranges « feuillets d’album » tardifs du musicien. On pourra aussi trouver un certain charme à diverses Danses comme les six écossaises (WoO 83) ou aux insolites valses (WoO 84 et 85) d’un Beethoven dernière manière. On aura de même un rien de complaisance à l’égard des trois marches pour piano à quatre mains (opus 45) écrites en 1803, ainsi – bien sûr – que pour la (forcément décevante) transcription pour piano à quatre mains que fit le musicien de sa grande fugue (opus 134).

L’intérêt se concentre finalement sur trois grandes pièces isolées : c’est d’abord l’Andante en fa majeur (WoO 57) de 1803-1804, initialement écrit pour être inclus dans la sonate « Waldstein », puis publié en tant que pièce séparée, et qui valut à Beethoven tant de succès publics qu’il en fit son « Andante favori », surnom qui lui est resté. C’est par ailleurs la bien nommée fantaisie en sol mineur (opus 77) de 1809, une pièce assez folle en effet, presque déroutante dans son décousu, mais dont l’intérêt principal – si l’on en croit Czerny et Moscheles – est de nous fournir un portrait nature du Beethoven improvisateur. C’est enfin, de 1814, la Polonaise en ut majeur (opus 89), une pièce étrangement peu fréquentée où, bien au-delà d’un exercice de salon, priment la légèreté, l’élégance et la verve d’un musicien sûr de son art.

Ludwig van Beethoven, Fantaisie en sol mineur, opus, 77 par Rudolf Serkin.
Ludwig van Beethoven, Polonaise en ut majeur, opus 89, par Alfred Brendel.

plumeMichel Rusquet
12 octobre 2019

Notes

119.Tranchefort François-René, Guide de la musique de piano et de clavecin, Fayard, Paris 1998, p. 146.


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