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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte —— La musique instrumentale de Beethoven à Schubert.

Ludwig van Beethoven

La symphonie no 5, opus 67, de Ludwig van Beethoven

Les symphonies : no 1, en ut majeur, opus 21 ; no 2, en majeur, opus 36 ; no 3, « héroïque », en mi bémol majeur, opus 55 ; no 4, en si bémol majeur, opus 60 ; no 5, en ut mineur, opus 67 ; no 6, en fa majeur, « Pastorale », opus 68 ; no 7, en la majeur, opus 92 ; no 8, en fa majeur, opus 93 ; no 9, en mineur, opus 125.

Symphonie no 5, en do mineur, opus 67, 1. Allegro con brio, 2. Andante con moto, 3. Scherzo Allegro, 4. Allegro, composée en 1805-18071, créée décembre 18081, au Theater an der Wien, dédicacé au prince Lobkowitz et au comte Razumovsky.

Cas unique, ou presque (car il y a aussi la Neuvième…) : très longtemps, quand on en parlait, il n’était même pas besoin de préciser « de Beethoven », et pas davantage d’indiquer qu’il s’agissait d’une symphonie ; il suffisait de dire « La Cinquième » … C’est dire le statut de « valeur absolue » acquis par cette œuvre qui, contrairement à bien d’autres, n’a pas eu besoin d’un sous-titre pour s’imposer au firmament du répertoire. Certes, on en a fait le symbole de la lutte contre le destin, et en cela, on s’est appuyé sur une déclaration que le compositeur aurait faite — sérieusement ou non — à son ami Schindler pour indiquer le sens à donner au fameux motif de quatre notes sur lequel se fonde l’œuvre : « Ainsi le destin frappe à la porte ».

Mais si cette symphonie exerce un tel empire sur l’auditeur, c’est d’abord du fait de son éloquence immédiate : « Avec le seul moyen des sons, des rythmes, des motifs, elle semble dire quelque chose d’immédiatement sensible, quelque chose qui parle successivement de la révolte humaine, de l’interrogation, de la rêverie, de la fête ».223  Et elle le fait, à partir d’un thème de presque rien mais qui renferme déjà une quintessence d’énergie, avec une concision étonnante : le temps « chronologique » est bref, mais la concentration est telle que la durée « psychologique » paraît très étendue.

Le miracle de cette symphonie, dont l’élaboration fut très lente (Beethoven en entreprit la composition en 1805, en repartant d’esquisses nettement plus anciennes, et l’acheva en 1808), réside dans une relance du discours constante, dans une attente sans cesse renouvelée, et finalement dans sa profonde unité, dans une cohésion organique et expressive inégalée. L’œuvre eut le don d’effrayer la plupart des contemporains, Goethe en tête, mais, dès 1810, l’écrivain et musicien E.T.A. Hoffmann en fit une analyse aussi enthousiaste qu’éclairante dont voici quelques bribes : « Rien n’est plus simple que le motif principal du premier allegro… On remarquera avec étonnement comment [Beethoven] a su disposer tous les motifs secondaires, tous les épisodes, grâce à leur rapport rythmique, de façon qu’ils ne servent qu’à relever de plus en plus le caractère de tout le morceau [lallegro initial], que ce thème ne faisait qu’annoncer. Toutes les phrases sont courtes… et partagées dans une opposition constante des instruments à vent et des cordes. On pourrait craindre que cela ne produise quelque chose de morcelé, d’insaisissable, mais, au contraire, c’est justement cet ordonnancement de l’ensemble, ainsi que la continuelle répétition de phrases courtes et d’accords isolés, qui porte à son comble une aspiration ardente et indicible… » Et, plus loin, au moment de conclure après une présentation des trois autres mouvements : « La structure profonde des phrases, leur élaboration, leur instrumentation et la manière dont elles sont disposées, tout converge vers un unique but ; mais ce qui produit cette unité, ce sont essentiellement les profondes affinités des thèmes entre eux, seules capables de retenir l’auditeur dans un état d’âme unique. »

Il faut aussi souligner la puissance que cette œuvre tire de son écriture orchestrale : « L ‘éclat, la force, les oppositions abruptes de lumière et d’ombre déterminent la structure de l’orchestre, qui s’adjoint pour le dernier mouvement le suraigu de la petite flûte, l’extrême grave du contrebasson, la majesté des trombones. L’écriture elle-même vise une puissance maximale, procède par unissons, par blocs, par grandes masses. »224  Nul doute que cette dimension, ajoutée à une relative simplicité rythmique et mélodique, est pour beaucoup dans l’immense popularité de la cinquième symphonie. Mais, on y revient toujours, le génie de Beethoven dans cette œuvre reste d’avoir tiré la quintessence d’une misérable cellule de quatre notes : « Cette source thématique, présente en ses mille aspects dans tous les mouvements, et les rapports harmoniques étroits qui lient ceux-ci, donnent à l’œuvre son extraordinaire unité. C’est une seule trajectoire, et non quatre mouvements indépendants que nous parcourons ici, trajectoire orientée, tendue vers un paroxysme. Telle, elle justifie pleinement le sens symbolique que lui a donné l’humanité : la lutte avec le destin est couronnée par la victoire, par l’affirmation triomphante de la vie. »225

Ludwig van Beethoven, Symphonie no 5 en ut mineur opus 67, par le Wiener Symphoniker, sou sla direction de Carlos Kleiber.

 

plumeMichel Rusquet
28 décembre 2019

© musicologie.org

Notes

223. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (270), novembre 2002.

224.Boucourechliev André, Beethoven, « Solfèges », Éditions du Seuil, Paris 1963, p. 50.

225.  Ibid., p. 49.

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