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11 avril 2019 —— Jean-Marc Warszawski.

Le quatuor Zaïde fête ses dix ans, un nouveau cédé et Mozart

Quatuor Zaïde, Amadeus, Mozart, quatuor K 387 ; Anonyme, suite de La Flûte enchantée. Nomadmusic 2019.

Enregistré en décembre 2018, au théâtre impérial de Compiègne.

Le Quatuor Zaïde fêtait hier soir qui était encore pour peu de temps dix avril 2019, la sortie de son quatrième cédé, et son dixième anniversaire. C’était à Paris, musée Gustave Moreau, du côté Saint-Lazare Trinité, dans cette assez grande salle célèbre pour ses radiateurs monumentaux plantés en son plein milieu, accessoirement on y peut admirer les œuvres de Gustave Moreau qui fut le maître des lieux à la fin du xixe siècle, dans ce nouveau quartier alors très attractif pour les artistes. La centaine de places était occupée.

Dès ses débuts, le quatuor Zaïde a bénéficié d’une fort bonne réputation, consolidée par une brassée de Prix et une activité musicale éclectique et conséquente. Dans l’ordre des cordes et de haut en bas : Charlotte Maclet, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf, Juliette Salmona.

Zaïde est le Titre d’un roman hispanisant de Madame de Lafayette (auteure également de La princesse de Clèves qu’un chef d’État français était incapable de lire) mais aussi le personnage d’un Singspiel de Mozart, une esclave chrétienne qui fuit la cour du sultan Soliman avec son amoureux Gomatz, un esclave chrétien. Ils se font pincer, ça chauffe pour eux, mais ils bénéficient de bienveillance pour services rendus. Là, Mozart, assuré de ne pas avoir d’acheteur, pose la plume. Suspens éternel depuis 1780, mais symbole de l’aspiration à la liberté contre la tyrannie.

Voilà qui semble plaire aux quatre Zaïde amoureuses en tout bien tout honneur de Wolfgang Amadeus Mozart, valorisant et se valorisant de son implication libertaire dans le rayonnement des Lumières.

Il se pourrait que revêtir de la rébellion de Mozart aujourd’hui, dans une France aux neuf millions de pauvres, au moment d’un soulèvement populaire et phosphorescent sans précédent réprimé avec une violence policière hors proportions et des armes mutilantes puisse faire un peu sucre d’orge à l’heure du thé.

Mais il y a de cela. Avec les trois Viennois, Haydn,Mozart, Beethoven, la mélodie accompagnée, un chef suivi servilement d’accords, Jérôme-Joseph de Momigny écrit en 1818,« comme un laquais suit son maître », fait place à la discussion d’égal à égal, au genre concertant, magnifié par la musique de chambre. Si chez Haydn le violoncelle n’est pas encore émancipé de son strict rôle d’accompagnement, ce que Beethoven accomplira, chez Mozart il se bouge tout de même pas mal la caisse. Les jeux sophistiqués de ces échanges égalitaires ont fait penser au retour du contrepoint, ou à un nouveau contrepoint (il y a des entrées clairement en fugato dans le dernier mouvment du K 387).

On aime donc souligner qu’au moment de composer les six quatuors dédiés à Haydn, Mozart avait découvert les partitions de Johann Sebastian Bach. Ces œuvres ont donné au compositeur du fil à retordre, lui ont demandé du temps et des ratures, ce qui n’était pas peine perdue pour celles et ceux qui depuis en profitent : six chefs-d’œuvre d’achèvement, inclinant au sentiment d’une perfection dont on ne peut modifier, ajouter, retirer la moindre chose, sinon l’amour en plus ou moins ou autrement de les jouer, et le plaisir de les écouter.

Le K 387, au programme des Zaïde, est particulièrement saisissant par ses audaces harmoniques et la diversité des figures dans la circulation de la musique aux quatre instruments. Contre toute attente, l’acoustique de cette curieuse salle aidant, on est tenu par la maîtrise de l’ensemble, la qualité de ses nuances, la cohérence sonore, sa précision pile poil. Sinon les accordages entre les mouvements qui font sortir du spectacle sonore.

La seconde œuvre au programme, est aussi un pur joyau : une suite pour quatuor à cordes des grands airs de La flûte enchantée, où toutes les figures, du tutti orchestral d’ouverture au solo de bravoure, sont maintenues par l’écriture concertante typique de Mozart y compris si là sonne un écho Schubert ici expression dramatique romantique, un exercice de style concertant déconcertant qui serait l’œuvre d’un anonyme, demandant à être connu, du début xixe siècle. La virtuosité d’écriture est doublée d’une belle virtuosité d’exécution, pas seulement parce que le violon doit se faire colorature ou le quatuor orchestre, aussi par le nombre et la diversité des figures, des nuances, des sentiments, la rapidité de leurs successions. Là encore, l’œuvre est défendue avec précision, mille nuances de sons et de cordes et beauté sonore.

Wolfgang Amadeus Mozart, Quatuor K 387, 3e mouvement (extrait), plage 23.

 

 

 Jean-Marc Warszawski
11 avril 2019

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