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22 février 2019 —— Jean-Marc Warszawski.

La compositrice Camille Pépin s’offre et nous offre un premier cédé

Camille Pépin, Music Chamber, Ensemble polygones, Lyrae, Chamber Music, Luna, Indra, Kono-Hana. Nomad Music 2019 (NMM 057).

Enregistré en avril 2018, Studio de l'Orchestre d'Île-de-France, Alfortville.

Camille Pépin a commencé par toucher plusieurs instruments au Conservatoire d’Amiens, elle a suivi les cours d’arrangement de Thibault Perrine au Pôle Supérieur Paris Boulogne-Billancourt. Au conservatoire national supérieur de Paris, d’où elle est sortie avec cinq premiers prix, elle a étudié sous la direction de Thierry Escaich, Guillaume Connesson et Marc-André Dalbavie. Elle est récipiendaire en 2015 du grand Prix Sacem musique symphonique « jeune compositeur », et du concours Île de créations de l’Orchestre national d’île-de-France. Elle reçoit depuis de nombreuses commandes d’institutions telles Radio France (Vajrayana ; The Road Not Taken) ou L’Orchestre national de Lyon (Laniakea), le concours Concours Long-Thibaud-Crespin, mais aussi de festivals, d’ensembles instrumentaux. Elle est en résidence à l’orchestre de Picardie.

Ce premier cédé monographique semble vouloir marquer une première période, entourée des musiciens qu’elle a côtoyés au Conservatoire national supérieur de Paris et dans les concours de 2015.

Y sont gravés Lyrae, pour quatuor à cordes, harpe et percussions (festival d’Aix-en-Provence et ProQuartet), Chamber Music, pour mezzo-soprano et cinq instruments, l’œuvre la plus importante de l’album (festival Présences féminines), Luna, pour violon, violoncelle, clarinette et piano (ensemble Polygones), Indra, pour violon et piano (festival Présences féminines), Kono-Hana, pour violoncelle (Association française du violoncelle).

Notre collègue Alain Lambert a eu l’occasion d’entendre Vajrayana, lors d’un concert donné par l'Orchestre de Caen sous la direction Vahan Mardirossian, dans le cadre du festival Aspects des musiques d'aujourd'hui, le 20 mars 2018. Il y notait l’habilité de la compositrice à amalgamer les timbres qu’il imaginait former une sculpture spatiale. Il n’y a pas à dire, Camille Pépin possède une oreille et un goût de maître dans le mariage et la caractérisation des timbres instrumentaux. C’est même là un des paramètres structurants de ses œuvres, et un style affirmé (ou une exploration systématique) : des dessous obstinés, répétitifs en assise, plutôt à la manière des musiques populaires (fantasmées) que de l’école américaine du même nom, et un dessus dissertant. Une motricité omniprésente, qui peut irriguer toutes les parties, distribuée aux instruments, une technique utilisée par exemple par le groupe de rock progressif Magma des années 1970 (des rifs de percussions orchestrés). On a le sentiment d’une influence de musiques populaires. Possible. Seule la compositrice en a les clefs. Au résultat, avec un soupçon d’attirance anglo-saxonne, notre cinéma serait plutôt gothique,  issu d’une manière foutraque d’imaginer le Moyen-Âge depuis le temps de Debussy jusqu’à celui des groupes rock gothisés, en passant par les incantations des Carmina Burana selon Orff.

Au-delà de cette impression perso,  on note une solide charpente (ajoutée à celle des modes rhytmiques obstinées) sur des polarisations tonales, le contraste entre les couches sonores, pouvant opposer, jusqu’au presque bruit inquiétant, la mélodie ou l’affirmation tonale rassurante. Autre impression perso : l’opposition de deux mondes (également comme technique d’écriture), qui ne se manifeste pas classiquement dans les thèmes, mais plutôt dans le jeu des couches sonores (et les timbres), surtout entre dessous et dessus, ou pour reprendre les images d’Alain Lambert, proche et lointain,  derrière et devant.

Camille Pépin a également un sens mélodique assuré, ose même le lyrisme (Chamber Music sur des poèmes de James Joyce)… Et celui de la beauté musicale qui s'adresse autant aux sens colorés qu'à la matière grise. En fait, elle a tout. Ses maîtres Thierry Escaich, Guillaume Connesson et Marc-André Dalbavie vont devoir accepter de prendre un coup de vieux.

 

 

 Jean-Marc Warsawzki
22 février 2019


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