bandeau texte musicologie

Monaco, 23 juin 2019 —— Jean-Luc Vannier.

Claude Brumachon crée Les Horizons suspendus pour le gala de l’Académie Princesse Grace

Marco Masciari. Photographie © Alice Blangero.

« Les filles sont plus obéissantes que les garçons » ironise Jules Berry (Le diable) dans Les visiteurs du soir de Marcel Carné (1942). Des deux envoyés de Satan, seule Dominique (Arletty) réussira sa mission. C’est à l’issue du — comme toujours — somptueux gala de l’Académie Princesse Grace donné samedi 22 juin salle Garnier, que nous est venu à l’esprit ce souvenir cinématographique : sans doute liée à la nature même de leur entraînement pour des chorégraphies où elles sont davantage sollicitées, l’étrange et diffuse impression s’est imposée que les ensembles de filles semblaient mieux coordonnés et synchronisés que ceux constitués de garçons. Plus étoffée que les années précédentes, cette version 2019 du gala se composait de trois parties bien distinctes : « Autour de Glazounov », succession de dix courtes pièces créées sur des musiques d’Alexandre Glazounov (1865-1936) par les professeurs et invités de l’Académie, « Les horizons suspendus », création pour l’Académie Princesse Grace de Claude Brumachon et, après un second entracte, « Traverses », ballet tissé à partir d’extraits du répertoire de Jean-Christophe Maillot. Après Somnia Vertigo en juin 2014, puis en 2016 son duo féminin Elles, le chorégraphe Julien Guérin nous a littéralement séduit par Au-delà de nous deux I et II : recherche toujours très élaborée, à la fois de sensuelle et empreinte de spatialité, sur la relation duelle. Une double proposition qui met en exergue l’incroyable présence scénique du jeune danseur Marco Masciari : rare intensité dans l’expressivité corporelle et psychique, symbiose réussie entre précision technique et profondeur de l’émotion.

Gala Académie Princesse Grace 2019. Photographie © Alice Blangero.

Nous avons aussi éprouvé un véritable coup de cœur pour Mannequins du chorégraphe Eugenio Buratti mais plus encore pour les quatre interprètes féminines de Muddled (Chorégraphie : L. Ferro’ – O. Tweedy – J. Klein – A.C. Meyer) : fraîcheur absolue des évolutions, par surcroît d’une minutie parfaitement synchrone dans la moindre des gestuelles. Nous revenons d’ailleurs à notre introduction pour relever dans Final  (chorégraphie Michel Rahn) la saisissante entrée millimétrée sur scène des nombreuses danseuses ne formant plus qu’un seul corps sans perdre une once de grâce ni de sensibilité. En comparaison, Orientale de Francesco Nappa  nous apparaît comme une étude plus massive, un peu trop gonflée de testostérone. Et ce, nonobstant une introduction étonnement aérienne où un danseur exécute solo de belles ondulations étayées sur la proximité du sol.

Nous ne tarirons pas d’éloges, en revanche, sur la création de la deuxième partie « Les horizons suspendus » de Claude Brumachon, déjà très remarqué pour Les indomptés au gala 2017. Certes, la spiritualité musicale de l’oratorio Saul HWV 53 de Georg Friedrich Händel ainsi qu’un un extrait du « Chant de l’extase » de Hildegard Von Bingen élèvent autant les cœurs  que les corps. L’auteur nous gratifie de deux chorégraphies en une seule, clivant la scène non seulement entre les couples mais au sein de ces derniers : contraste rythmique et expressif des évolutions et des gestuelles, portage maternalisant dans des figures à même de rappeler celle de la célèbre Pietà tandis qu’en marge du plateau, deux jeunes danseurs (dont Marco Masciari) s’essoufflent par des mimiques de progression et de résistance à force de courir frénétiquement pour tenter de rejoindre les trois autres couples. Cette remarquable étude s’impose en outre par une densité telle qu’elle métamorphose en adultes à peine reconnaissables la physionomie des jeunes danseurs et danseuses. Tout à fait impressionnant !

Gala Académie Princesse Grace 2019. Photographie © Alice Blangero.

En troisième partie, des extraits de Opus 40, ou, plus récemment de Abstract life ou du très intime Vers un pays sage du Directeur des Ballets de Monte-Carlo nous font revivre les moments forts de ses créations. Après plus d’une heure et trente minutes de spectacle, les élèves se sont — chorégraphiquement — lâchés sur scène sous de multiples ovations.

NB : Un trombinoscope en ligne des élèves de l’Académie Princesse Grace serait vivement apprécié.

 

Monaco, le 23 juin 2019
Jean-Luc Vannier

 

 

 

 

 

Les précédents articles de Jean-Luc Vannier

La joie de la souffrance de Chen Qigang dirigé par Yu Long : la philharmonie de Monaco à l’heure chinoise —— Interminables ovations pour Rigoletto à l’opéra de Marseille —— Tango argentin et psychanalyse : rien de sexuel dans les milongas ? —— Superbe Otello pour la fin de saison lyrique à l’opéra de Monte-Carlo —— Corps unifiés et fièvre tarentelle aux Ballets de Monte-Carlo —— En voiture ! L’enlèvement au sérail à l’opéra de Monte-Carlo.

Toutes les chroniques de Jean-Luc Vannier
jlv@musicologie.org

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil ☎ 06 06 61 73 41
ISNN 2269-9910

© musicologie.org 2019

bouquetin

Lundi 24 Juin, 2019 5:06