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Une journée Schubert à Maastricht

 

Philharmonie zuidnederland, Collegium Vocale Gent, Johanna Winke (soprano), Sophie Harmsen (alto), Benjamin Hulett (ténor), Robin Tritscher (ténor) et Kresimir Strazanac (basse), sous la direction de Philippe Herreweghe. Photographie © musicologie.org.

24 janvier 2018, par Jean-Marc Warszawski ——

Chaque année le Theater aan het Vrijthof de Maastricht, qui domine les programmations théâtrales et musicales de la ville tout en veillant sur le Vrijthof, grande place longée par une rangée serrée de bars et restaurants aussi chaleureux que branchés et sous laquelle dort 2000 ans d'histoire, organise un Componistendag (une journée du compositeur), avec de 11 heures à 21 heures, une série de concerts en tous les genres. Le Componistendag 2018, samedi 20 janvier dernier, était consacré à Franz Schubert. Le billet d'entrée était proposé à 47 ,50 euros. Avec le sandwich accompagné d'une tasse de soupe au déjeuner et le buffet chaud un peu plus élaboré du soir, les chanceuses et chanceux qui ont réservé à temps ont déboursé en tout 65 €.

Chanceuses et chanceux, car la convivialité bien connue des bars hollandais se retrouve aussi aux entractes et à la fin des concerts.

Le quatuor Salagon, renforcé par le violoncelliste Christoph Dangel ouvre, à 11 heures tapantes, les festivités, dans la grande salle du Théâtre, dite salle Papyrus, avec le quintette « à deux violoncelles » D. 956, un des chefs-d'œuvre du Viennois, comme sont toutes ses dernières œuvres, entre fureur et nostalgie, pourquoi pas aussi des accents pastoraux, dans le beau thème si connu, soutenu parfois par une basse martelant une inquiétude qui ne tardera pas à emplir le paysage.

Avant le déjeuner, Philippe Herreweghe se prêté aux questions en leur donnant des réponses, puis après la collation Le Edding Quartet et l'ensemble Northenlight (traduisez aurore boréale) qui lui est organiquement lié, interprètent l'octuor en fa majeur D. 803, d'une facture sophistiquée, avec ce mélange organique de bonheur et de souffrance caractéristique du compositeur. Les instruments anciens, s'ils rendent justice à la beauté de la partition, ne portent pas la chaleur sonore jusqu'aux hauteurs éloignées du balcon, sinon quelques réticences exotiques du cor trop naturel. Les instruments d'époque conviennent aux musiques d'il y a longtemps, mais pas toujours aux salles d'aujourd'hui.

Jan Vermeulen dans l'exercice d'accordage. Photographie © musicologie.org.

Par contre le duo à quatre mains Jan Vermeulen et Veerle Peeters sur pianoforte dans l'Allegro « Lebensstürme » (les tempêtes de la vie) D. 947, « Deutscher mit zwei trios und 2 Ländler » D. 618, la fantaisie en fa mineur D. 940, est un enchantement. Il est vrai qu'on ne demande pas au pianoforte, dont le son est déjà lointain à un mètre cinquante, la même ampleur sonore qu'à un octuor avec vents.

L'étoffe sonore est au rendez-vous avec la huitième symphonie « inachevée », par l'orchestre philharmonique des Pays-Bas du Sud (Philharmonie zuidnederland, coproductrice de l'événement) sous la direction de Philippe Herreweghe.

Retour à l'intimité avec le Winterreise intégral. Les poèmes sont imprimés dans le luxueux programme distribué au public et généreusement disponible à l'extérieur de la salle. Les lumières ne sont pas éteintes, le public peut suivre. Le baryton Thomas Oliemans à une très belle voix, de magnifiques aigus stables, le timbre d'une cohérence exemplaire sur toute la tessiture, mais sa prononciation de l'allemand laisse à désirer. Il a tendance à lier les mots, efface les labiales et surtout les dentales, qui devraient claquer en allemand, donnant sonorité à la fureur et au drame, qui manque donc un peu, pour contraster avec la douleur. On ne fait pas le voyage d'hiver, le voyage vers le givre de la mort, sans ici et là pester et jurer quelque rébellion. On découvre Roger Vignoles, un si extraordinaire accompagnateur au point qu'il faut bannir ce mot, il s'agit bien là d'un duo voix et piano. Comme pour Jan Vermeulen et Veerle Peeters, le public nombreux et très club du troisième âge, marque son enthousiasme.

Thomas Oliemans et Roger Vignoles. Photographie © musicologie.org.

Enfin, retour de l'Orchestre philharmonique. Les hommes ont troqué le costume de ville cravate pour le frac genre pingouin, chemise empesée à col cassé, ils sont rejoints cérémonieusement par le Collegium Vocale Gent, la création fondatrice de Philippe Herreweghe en 1970, puis par Johanna Winke (soprano), Sophie Harmsen (alto), Benjamin Hulett (ténor), Robin Tritscher (ténor) et Kresimir Strazanac (basse). Une fois les solistes sagement assis sur un praticable à l'arrière de l'orchestre, Philippe Herreweghe gagne son estrade accompagné d'une assistante portant sa demi-bouteille d'eau minérale. C'est moche. D'abord la bouteille en plastique sur scène posée au pied de l'estrade, qui ne servira à rien, surtout le symbole qui prouve que cette affaire de chef d'orchestre est plus idéologique que musicalement technique. La messe en mi bémol majeur D. 950 clôt magistralement cette journée. Au salut, une assistante porte le bouquet de fleurs du maître, c'est moche ce goût pour l'ancien régime.

Dehors, il pleut. Prochaine journée de ce superbe concept, 19 janvier 2019.

 

Jean-Marc Warszawski
23 janvier 2018

 

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Lundi 29 Janvier, 2018 2:38