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Paris, 11 juillet 2018 —— Frédéric Norac.

Une Bohème intime : Puccini revu et « raccourci » à l'Opéra-Comique

Opéra-Comique de Paris, la Bohème. de gauche à droite : Jean-Christophe Lanièce (Marcel), Ronan Debois (Schaunard), Nicolas Legoux (Colline), Kevin Amiel (Rodolphe), Sandrine Buendia (Mimi), Anthony Roullier (le garçon de café). Photographie © Pierre Grosbois.

On met un peu de temps à s’habituer à la prosodie de cette adaptation française de La Bohème et il n’est pas sûr même qu'au final l’on comprenne tout le texte. Mais au fond comprend-on tout le texte de l'original italien ? Il n’empêche, ajoutée aux coupures, la traduction crée un certain hiatus entre texte et musique, une sensation d’artificialité que seuls le chant et la musicalité pourraient combler. Privé des facéties des quatre larrons, du récit de Schaunard, de l'épisode du propriétaire, le premier tableau peine un peu à décoller. Quant à celui du Café Momus, sans cette effervescence que lui apporte la construction chorale, il paraît un peu terne et comme inanimé. Il faut l'entrée de la Musette d'Ève-Marie Murger et sa délicieuse valse pour que d'un coup la vie fasse irruption sur le plateau et avec elle tout le génie de Puccini. C'est un peu comme si la soprano, au demeurant la plus compréhensible de toute la distribution, réintroduisait dans l'opéra toute cette musicalité italienne dont il semblait jusque-là privé.

Opéra-Comique de Paris, la Bohème. Jean-Christophe Lanièce (Marcel), Kevin Amiel (Rodolphe). Photographie © Pierre Grosbois.

Dès lors, la machine est lancée et cette Bohème réduite à six personnages et à ses scènes intimes, sans même la magie du lever de soleil sur la barrière d'Enfer au troisième tableau, commence à faire mouche, preuve que les vrais chefs-d'œuvre résistent à tous les traitements. Le plateau de jeunes chanteurs issus de la nouvelle « troupe » de l'Opéra-comique est de qualité. La Mimi de Sandrine Buendia possède toute la fragilité souhaitable et son soprano lyrique léger rappelle les grandes interprètes de La Bohème acclimatée à la tradition française de l'opéra comique. En Rodolphe, Kevin Amiel ne démérite pas, même si la voix assez métallique manque un peu de rondeur et, partant, de charme. Le Marcel chaleureux et viril de Jean-François Lanièce constitue un couple idéal avec la Musette d'une merveilleuse sensualité d'Ève-Marie Murger. Ronan Debois (Schaunard) et Nicolas Legoux (Colline) sont d'excellents comparses, le second bénéficiant tout de même, malgré la réduction à une heure trente, de son air de la « zimarra » dont il donne une interprétation nuancée et convaincante.

La mise en scène de Pauline Bureau — auteure également de l'adaptation –—, conçue pour voyager et s'adapter à de nombreuses scènes joue d'un dispositif scénique à transformations qu'habillent de jolies vidéos pour évoquer les lieux de l'action. Elle y réussit avec une efficacité certaine et même une incontestable poésie. N'était l'image de la tour Eiffel en construction, il n'est pas sûr que le spectateur pourrait dater cette vision intemporelle et c'est tant mieux, car La Bohème reste indéniablement de toutes les époques.

Opéra-Comique de Paris, la Bohème. Jean-Christophe Lanièce (Marcel), Marie-Eve Munger (Musette). Photographie © Pierre Grosbois.

Bien défendu par l'ensemble des Frivolités parisiennes dirigé par Alexandra Cravero, l'arrangement musical de Marc-Olivier Dupin pour treize instruments où l'accordéon vient de temps en temps ajouter une touche gouaille populaire, réussit globalement à évoquer le caractère symphonique de la partition de Puccini et même à compenser les ruptures dans la continuité du tissu thématique induites par les raccourcis parfois un peu abrupts.

Au final, un pari risqué plutôt réussi.

Représentations jusqu'au 17 juillet.

Le spectacle sera présenté au Théâtre Jean Vilar de Suresnes (16 et 17 avril 2019) et au Théâtre Montansier de Versailles (16 et 17 mai 2019) à l'intention d'un public de lycéens d'Ile-de-France.

En novembre 2019 et janvier 2010, l'Opéra de Rouen tournera le spectacle en Région Normandie.

Frédéric Norac
11 juillet 2018

 

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