Les symphonies 22 à 27 de Mozart

Six œuvres qui ont en commun — du moins semble-t-il — d’avoir été écrites en 1773, après le troisième et dernier voyage en Italie. Mais leur regroupement ne se justifie qu’en partie car, si cinq d’entre elles adoptent le modèle de l’ouverture italienne en trois mouvements (généralement très brefs), la n^o 25 s’en distingue totalement, que ce soit par sa forme en quatre vastes mouvements ou par son esprit et sa portée.

Cette symphonie en sol mineur K 183 est d’ailleurs si remarquable qu’elle sert souvent d’alibi à ceux qui ne veulent pas être accusés de ne s’intéresser qu’aux toutes dernières symphonies de Mozart. On en fait volontiers le prototype de la célèbre quarantième, également en sol mineur, d’où son surnom de « petite sol mineur ». « Parcourue par un souffle tragique étonnant chez un musicien qui n’a pas encore atteint dix-huit ans, cette page est bien, dans son étonnante maturité, l’équivalent du cinquième concerto pour piano, et un jalon primordial dans l’évolution de la création mozartienne. »¹³⁷ En effet, « qui oserait nier que le Mozart de la maturité, a priori très profondément étranger à celui de 1773, apparaît déjà dans l’énergie débordante de l’Allegro con brio de cette 25^e symphonie, avec ses intervalles de septième et ses rythmes syncopés ? Sombre, angoissée, ignorant le souffle libérateur des finale de Haydn et de Beethoven, la première symphonie en sol mineur mène cependant à Beethoven. »¹³⁸

Wolfgang Amadeus Mozart, symphonie n^o 25 en sol mineur K 183 (I. Allegro con brio)

A côté de cette « grande » œuvre, les cinq symphonies voisines (K 162 en ut majeur, K181 en re majeur, K 182 en si♭majeur, puis K 184 en mi♭majeur et K 199 en sol majeur) ne sont dans l’ensemble que de petites choses. Déjà par leurs dimensions, car à l’exception de la dernière nommée, elles ne dépassent pas les neuf minutes, mais aussi par leur propos. Cela n’empêche pas d’y trouver de beaux élans, des moments de vraie séduction, comme des manifestations des progrès du musicien dans le traitement orchestral, notamment dans l’art d’opposer les différents groupes instrumentaux. Et deux d’entre elles méritent qu’on y prète attention : la symphonie n^o 27 (K 199), la seule à présenter des proportions dignes d’une « vraie » symphonie, et qui, surtout dans son remarquable presto final, témoigne d’une forte influence de Haydn ; et la petite n^o 26 (K 184), œuvre à l’atmosphère ambiguë et tragique que Mozart allait ensuite utiliser comme ouverture de sa musique de scène Thamos, roi d’Egypte. Évoquant cette symphonie, J. V. Hocquard souligne qu’elle recèle, surtout en son andante, « une charge très dense de puissance magique », et ajoute : « C’est du reste cette œuvre qui servit de talisman à l’explorateur Alain Gheerbrant lors de son expédition Orénoque-Amazone en 1952, et qui lui permit d’entrer en contact avec des primitifs de l’âge de la pierre. »¹³⁹

Wolfgang Amadeus Mozart, Symphonie n^o 26 en mi♭majeur K 184 (II. Andante)

Notes

137. Parouty Michel, dans François-René Tranchefort (dir.), « Guide de la musique symphonique », Fayard, Paris 2002, p507.

138. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (229), février 1999.

139. Hocquard Jean-Victor, Mozart, de l’ombre à la lumière. Jean-Claude Lattès, Paris 1993, p. 277.