Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte : La musique instrumentale de Wolfgang Amadeus Mozart

Introduction ; musique pour clavier ; musique de chambre ; musique symphonique ; musique concertante.

Les concertos n^os 14 à 16 de Mozart

Ces trois-là nous font entrer dans la période d'effervescence créatrice qui, de 1784 à 1786, verra naître une floraison de douze concertos pour piano, parmi lesquels les plus grands chefs-d'œuvre de Mozart dans cette spécialité.

D'un type « tout particulier », selon les propres termes de Mozart qui le dédia à Babette Ployer, une de ses élèves, le concerto en mi♭majeur K 449 est, d'un bout à l'autre, une grande œuvre, pleine d'audace et de richesse expressive. Dans l'Allegro initial, au climat ambigu traduisant une profonde inquiétude, comme dans la sublime réflexion méditative de l'Andantino, on ne peut qu'être frappé par l'abondance et la subtilité des modulations. Celles-ci joueront à nouveau un rôle clé dans certains passages du finale, un mélange de rondo et de variations qui passe pour être l'un des finales les plus originaux que Mozart nous ait laissés. Un finale d'autant plus admirable qu'on y trouve, derrière un langage savant mais d'un naturel exquis, des traces manifestes de la fréquentation des œuvres du grand Bach.

Moins expressif, mais musicalement presque aussi attrayant, le concerto en si♭majeur K 450 est avant tout une œuvre brillante que Mozart écrivit (comme le suivant) pour son propre usage de concertiste, à un moment de sa carrière où le virtuose était de plus en plus fêté par son public. De ces deux concertos, il disait : « Ils vous mettent en nage… », avouant clairement n'avoir pas lésiné sur les difficultés d'exécution. Cependant, tout en visant le succès public, le concerto n^o 15 témoigne une fois encore de l'épanouissement de l'art du compositeur, ne serait-ce que dans le rôle attribué aux instruments à vent, et s'il n'accorde guère de place aux jeux d'ombre et de lumière qui nous touchent tant chez Mozart, son Andante, qui reprend, avec une gravité presque religieuse, une magnifique mélodie tirée de la sonate K 377 pour violon et piano, nous conduit imperceptiblement vers un état d'apaisement intérieur où, selon l'expression d'Olivier Messiaen, « tout concourt à ouvrir l'auditeur aux choses du ciel. »

Tout aussi exigeant pour l'interprète, mais musicalement plus inégal, le concerto en re majeur K 451 se démarque nettement du précédent par sa richesse expressive, qui ne se limite pas aux touches de tendresse nostalgique dispensées dans l'Andante. Incontestablement, le temps fort de cette œuvre est  l'impressionnant Allegro initial, un mouvement de conception symphonique, solidement construit sur deux thèmes, tout de vigueur et de passion juvéniles, qui, dans le jeu concertant, ménage une suite ininterrompue de moments d'émerveillement. En comparaison, malgré la rigueur et le brio de son écriture, le finale fait presque pâle figure. Peut-être est-ce dû tout simplement, comme l'a remarqué Patrick Szersnovicz, au fait que, dans ce mouvement, « il y a trop de Haydn et pas assez de Mozart »¹⁰⁹.

Notes

109. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (223), juillet-août 1998.

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