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 Jonville, 18 août 2018 —— Alain Lambert.

Les Traversées Tatihou : Des musiques du monde dans un écrin marin !   

Normandie, Bretagne, Corse, France, Irlande, Écosse, Italie, Russie, Roumanie, Serbie, La Réunion, Mali, Maroc, Madagascar, Québec, Tchad, Soudan / États-Unis, Iran,  Portugal,  Argentine, Syrie / Irak / Pakistan / Afghanistan / Tibet / Belgique, le tout un peu dans le désordre sur dix jours autour et dans Saint-Vaast La Hougue au nord-est du Cotentin pour une douzaine de concerts.

En traversant la merEn traversant la mer. Photographie @ Patricia Segretinat.

Et pendant les grandes marées, cinq concerts et un bal sur l'île de Tatihou, qu'il faut gagner à pied en se risquant à s'immerger dans le courant si on veut arriver parmi les premiers, avec ceux qui ont pris le Tatihou II, le bateau à roues.

3 ma3 MA à Saint-Vaast. Photographie @ Patricia Segretinat.

Pour nous, tout démarre le samedi soir sous le chapiteau à quai avec le concert des 3 MA, le Malien Ballaké Sissoko à la kora, le Marocain Driss El Maloumi à l'oud et au chant, et le Malgache Rajery au chant et à la vahila, une guitare en bambou, soit 22, 11 et 18 cordes qui s'entremêlent dans un programme superbe et endiablé, d'autant que comme le rappelle Driss, si pour certains, la musique est un péché, ils le commettent ensemble depuis douze ans avec volupté et sensualité.  Le bal de nuit débute sur l'île et les danseurs y resteront jusqu'à 4h30 du matin, quand les eaux se seront retirées hors de la baie.

MouniraMounira à Tatihou. Photographie @ Patricia Segretinat.

Le dimanche, traversée à pied sous la pluie pour rejoindre le Tchad avant le Soudan. Mounira Mitchala, nous propose un spectacle envoûtant et très rock à la gloire de la femme africaine indépendante et moderne. Sa belle voix est soutenue par la guitare jazzée et la voix de Charles Keli, une basse et une batterie puissantes et le tout parfaitement sonorisé. Puis le groupe Nubatones modernise la tradition gnawa du Soudan où les textes et les chants d'Alsarah sont prolongés par les chœurs de Nahid et accompagnés intensément par un oudiste, un bassiste et un percussionniste.

Jardins Amélie, Driss et Juliette dans les jardins de Tatihou. Photographie @ Patricia Segretinat.

Le lendemain propose une jolie ballade musicale dans les jardins de l’île où l'on retrouve l'oudiste des 3 MA dans son répertoire savant et ornementé, et deux musiciennes et chanteuses caennaises, Juliette à la kora, au violon ou à la mandoline pour des musiques de l'est ou d'Afrique, et Amélie à la guitare pour des chansons du Brésil.

coniaConnla à Tatihou. Photographie @ Patricia Segretinat.

Ensuite, le uilleann pipes, la cornemuse irlandaise, est à l'honneur dans trois concerts, avec les groupes irlandais Connla et Lunassa, puis le soir à quai celui du virtuose écossais Calum Stewart. Tous excellents dans des arrangements folks très divers, le premier autour de la belle voix de Ciara McCafferty, le second autour des flûtes de Kevin Crawford et ponctuées de l'humour vif, en français, du guitariste Ed Boyd, le troisième instrumental et coloré lui aussi.

Domo EmigrantesDomo Emigrantes à Tatihou. Photographie @ Patricia Segretinat.

La thématique du concert insulaire du mardi est celle de l'immigration et du périple des cultures, avec les Italiens du sud Domo Emigrantes dont l'un des membres est d'origine kurde et d'autres de Sicile. Une musique forte et actuelle nourrie de toutes les traditions de la Méditerranée.

refugeesRefugees for Refugees à Tatihou. Photographie @ Patricia Segretinat.

Le groupe suivant est encore plus improbable car il réunit huit musiciens belges, deux autochtones aux percussions et à l'oud, et six venants de Syrie, d'Irak, du  Pakistan, d'Afghanistan et du Tibet. Pas toujours simple d'allier les tonalités, mais dans l'ensemble ça fonctionne de façon plutôt joyeuse et énergique, mêlant l'oud, le ney, flûte turque, le qanun, cithare orientale, le sarod, luth indien et le dranyen, luth tibétain.

Deux concerts à fort niveau sonore, sans doute largement au-dessus des 102 décibels réglementaires depuis 2017, nécessitent l'utilisation de bouchons d'oreille, au contraire des autres fort bien sonorisés globalement. Le premier le mardi soir à quai pour une soirée électro-trad avec le multi-instrumentiste Vasco Ribeiro Casais et son projet Omiri dans lequel il prolonge le travail d'un Chassol en France [voir notre chronique]. Sur deux écrans sont projetées des vidéos de chants ou des gestes percussifs, traditionnels ou enfantins, retravaillés ou samplés, et sur cette base rythmique, le musicien ajoute de la gaïta, cornemuse galicienne, du nychelharpa, violon suédois à clavier, de la guitare portugaise, ou du bouzouki électrique, en jonglant avec ses instruments pendant plus d'une heure et provoquant la transe du public. Malgré le volume sonore pas forcément indispensable, un travail passionnant.

soleil couchantSoleil couchant sur la tour Vauban. Photographie @ Patricia Segretinat.

Beaucoup moins convaincant, Emir Kusturica entre en scène le mercredi avec ses musiciens de No Smoking sur fond d'hymne serbe à plein pot, comme dans n'importe quel meeting nationaliste. Et sans explication aucune du leader à moitié dédaigneux qui ne fait qu'annoncer les titres des morceaux en précisant en français s'ils proviennent du dernier cédé. On se demande donc tout du long si l'humour acerbe est spontané ou si la  bouffonnerie des musiciens est réglée par le metteur en scène. Il nous commande aussi de crier « Fuck you MTV » à un public familial ne sachant pas forcément qu'il s'agit de la chaîne câblée américaine aux clips formatés. Ou fait référence, sans commentaire aucun avant la chanson, à un « Comandante » qu'on ne sent pas forcément progressiste. Bref, un concert remplissant le grand chapiteau, mais pas vraiment dans l'esprit des autres musiques entendues jusqu'ici. En sortant, on retire, doublement soulagé, les bouchons d'oreilles tout en écarquillant les yeux dans la beauté du soleil couchant qui nous accompagnera tout le retour.

BearsBears of Legend à Saint-Vaast. Photographie @ Patricia Segretinat.

Heureusement la clôture se fait à quai le mercredi soir avec les Québécois de Bears of Legend qui, s'ils chantent en anglais, nous racontent plein de choses dans leur français à eux, avec humour, entre deux chansons superbement arrangées avec de multiples instruments rock ou folk, des choeurs chatoyants, et la présence forte du chanteur David Lavergne.

Un beau festival donc, plein de fraternité musicale entre les musiciens passionnés et le public chaleureux, et réciproquement, avec une fréquentation progressant d'année en année, de 16000 spectateurs l'an dernier à 18000 en cette 24e édition, et qui à cause des grandes marées d'août, aura lieu l'an prochain entre le 23 et le 1er septembre 2019.

Alain Lambert
18 août 2018

 

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