Caen, 19 décembre 2018 —— Alain Lambert.

Les Arts Florissants : The Beggar's Opera actualisé par Robert Carsen et Ian Burton

The Beggar's opera dans les jardins de William Christie. Photographie © Jay Qin.

Un gros travail d'adaptation du texte du livret de John Gay de 1728, car, contrairement au Dom Juan et autres opéras joués en costumes du xx^e avec des mots du xvii^e ou xviii^e, ici tout a été réadapté et réécrit, du moins pour les dialogues de théâtre, dans l'argot, parfois très cru, des prostituées, souteneurs, dealers et autres escrocs d'aujourd'hui, sans anachronisme avec les habits des comédiens chanteurs et des musiciens, en sweats à capuche et casquettes à l'envers, comme n'importe quels musiciens de rue.

Un grand mur de cartons empilés, sans doute « tombés du camion », et mobiles, pouvant faire apparaître une chambre à deux mètres de haut, un gibet à trois mètres, une porte en bas, et tout un mobilier de bar en carton sur le devant... Les musiciens assis pareil, bien sûr, à gauche, avec des tablettes-partition dernier cri, comme tous les objets volés par la bande à Peachum, ordinateurs, téléphones... Tout un monde des bas-fonds qui était pour John Gay le triste reflet du monde d'en haut, politique et finance. Des prédateurs sociaux capables de se vendre les uns les autres, comme va le faire le couple Peachum (Robert Burt - Beverly Klein) avec son gendre Macky (Benjamin Purkiss) pour en délivrer leur fille Polly (Kate Batter) et aussi ou surtout toucher la prime...

Ce ballad opera, compilation de chansons populaires style Greensleves ou irlandaises, et d'airs connus d'opéras de l'époque, le tout intégré à la narration par John Gay et arrangé par Johann Christoph Pepush pourrait être l'ancêtre de la comédie musicale, entre vaudeville et opéra bouffe. Brecht et Weill s'en sont inspiré pour leur Opéra de quat'sous, et Britten l'a arrangé aussi. William Christie, le directeur musical, et Robert Carsen, le metteur en scène, ont décidé de le jouer plutôt Music Hall, avec des acteurs chanteurs danseurs, certains aussi acrobates (Sean Lopeman et Dominic Owen), tous capables de projeter leur voix mais aussi de chanter plus naturellement ou même de manière gouailleuse et ivre, façon Shane Mac Gowan, du groupe folk punk The Pogues.

Tout ce petit monde joue, chante, danse ou cabriole sans reprendre souffle en moins de deux heures et sans longueurs. Les musiciens sont excellents, dirigés ici à Caen par Marie Van Rhijn au clavecin, et savent improviser sur la trame minimale de la partition d'origine. Du grand spectacle !

À voir encore au théâtre de Caen jusqu'au 21 décembre, puis à Versailles du 11 au 13 janvier, à Rennes du 16 au 19 janvier, à Quimper du 22 au 23 janvier, à Reims le 26 janvier, à Massy du 2 au 3 février, à La Rochelle du 5 au 6 février.

Alain Lambert
19 décembre 2018

Les Arts Florissants : The Beggar's Opera actualisé par Robert Carsen et Ian Burton

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