Colombelles, 23-23 septembre 2018 —— Alain Lambert.

Le Festival PAN ! et Plage Sonore en cohabitation

Le festival des jazz et musiques improvisées a commencé à Caen le samedi et le mercredi précédents à la bibliothèque Alexis de Tocqueville avec la chouette chorale du P'tit choeur sauvage plutôt maloya. Aussi « Le cri des insectes » l'étonnante projection de papiers découpés et d'objets d'Amélie Delaunay en live avec cinq musiciens inspirés sur des compositions du trompettiste Simon Deslandes.

Mais la Fermeture Éclair lui servant de base depuis cinq ans ayant été détruite en début de mois, le festival du collectif jazz caennais s'est déplacé sur la friche de la Sociéte Métallurgique de Normandie, dans la cité de chantier du WIP, entre de grandes halles en réfection et l'immense refroidisseur qui restent les seuls vestiges de la SMN revendue à la Chine depuis plus de vingt ans.

Celes on the Bayou. Photographie © Jean Paul Sibbille.

Le samedi a donc débuté à la médiathèque de Colombelles par le concert « gouailleux » de Celest on the Bayou, quatre musiciens façon New Orléans, Adrien Faure, Vincent Desgrippes, Jean-Baptiste Cosnefroy et Thierry Liver (dans l'ordre de la photo), menés par la chanteuse Célestine Roland au mégaphone pour conduire le public jusqu'au WIP, en voiture, sous la pluie.

Trio Traoré Trio classe de jazz. Photographie © Gérard Boisnel.

La séquence jazz classique introduit un trio issu de la classe de jazz du conservatoire de Caen, Karine Bourdonnais à la contrebasse, Ismaël Traoré au piano et Fréderic Bilhaut à la batterie. Avec entre autres un magnifique First Song de Charlie Haden.

Insight Duo Insight. Photographie © Jean-Paul Sibbile.

Ensuite le duo Insight, Patrick Martin au sax alto et Nesta Mondelice à la batterie, et on perd un peu ses repères dans une performance intense qui se joue des styles en les improvisant, et en tissant les solos entre blues, bop et free, à la batterie tout terrain et au sax alternatif, ou au flûtiau le temps d'un morceau.

PIston Larsen Pist[on] Larsen. Photographie © G. Boisnel

Autre duo d'aventuriers, Pist[on] Larsen, constitué pour la soirée, avec Yann Fontbonne à la batterie « électronifiée » et Samuel Belhomme à la trompette et au bugle. Notes soufflées, soupirées, avalées, tintements, frappement, battements, scintillements... tout un univers bruitiste et électronique qui n'est pas sans rappeler parfois les mondes sonores d'un Pierre Henry.

Trio flocons Trio en forme de flocons. Photographie © Jean-Paul Sibbille.

Avec François Chesnel au piano, Yoann Loustalot, trompette ou bugle, et Antoine Paganotti à la batterie, on retrouve un jazz plus classique et atmosphérique aux longues improvisations enluminées sur des morceaux composés pour le cédé « Pièces en forme de flocons » au titre- hommage à Satie [voir notre chronique].

Folksong Suite de la chanteuse Annette Banneville est dédié aux chansons populaires anglo-irlandaises, bulgares, hongroises façon Bartók et même une reprise du manuscrit de Bayeux datant du XV^e siècle. À son trio de base ayant connu plusieurs moutures, François Chesnel au piano et Bernard Cochin à la contrebasse, se sont adjoints récemment Ariel Mamane à la batterie et Remy Garçon au sax ténor. Mais si on retrouve ainsi le quartet Vérona bien connu dans la région, la forte personnalité de la chanteuse, sa présence, sa voix lui donne une autre musicalité. Un beau final donc.

Le dimanche après midi, au même endroit et non dehors sur la pelouse, car il pleut et vente, le réseau normand Plage Sonore dont le collectif PAN est partie prenante, a installé ses transats et ses multiples haut-parleurs pour plus de quatre heures de musique acousmatique spatialisée avec chaque compositeur (Olivier Labbé, Marie Pierre Gauffre, Christine Groult, François Buffet...) derrière la console pour réinterpréter son œuvre, ses timbres, densités et dynamiques, dans l'espace spécifique du lieu. Une expérience étonnante éloignée de « l’électro » d'aujourd'hui, avec son battement hyper régulier et obsessionnel, plutôt une musique électronique aux rythmes imperceptibles, irréguliers, imprévisibles, où les sons du réel sont souvent la base, captés et retravaillés.

À trois reprises des musiciens viennent improviser en direct sur l'un des thèmes pendant que le maître de console redistribue leurs sons dans l'espace sonore. Par exemple le trio intriguant François Lebegue, Jean Philippe Gomez, Gilles Desquidt : voix-machine, clarinette contrebasse et console (voir la photo). Ou Nicolas Talbot avec un enregistrement en field recording réalisé sur le marché de Caen et accompagné par François Rondel au sax alto, Jean Sébastien Mariage à la guitare et Yann Fontbonne à la batterie « électronifiée », le tout spatialisé en direct.

Peut-on parler d'une véritable évolution depuis les pionniers de la musique concrète ou électronique ? Plutôt d'un déploiement rendu possible par la numérisation, la multiplication et la miniaturisation des matériels qui permet de multiples variations. Mais d'autres Plages Sonores sont à venir. À suivre donc.

Alain Lambert
22-23 septembre 2018

Le Festival PAN ! et Plage Sonore en cohabitation

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