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Musique de chambre à Giverny 2018, 5e concert : Sérénade italienne

Giverny, 18 août 2018 —— Jean-Marc Warszawski.

Cinquième concert de la résidence. Musique de chambre à Giverny est une résidence, cette année de vingt-sept musiciens, où tout est fait main sur programme imposé. Mais aussi troisième concert de la journée, cette fois à l'auditorium du musée des impresionnismes. Un beau programme avec la Suite italienne d'un Stravinsky revenu de ses proclamations révolutionnaires, puisant dans la musique ancienne italienne, représentée ici par une sonate pour violon avec une basse continue assurée par Adèle Gornet au clavecin et Valentin Tournet à la viole de gambe, la sarcastique Sérénade italienne d'Hugo Wolf qui a si peu composé pour les instruments, et la magnifique suite pour deux violoncelles de Gian Carlo Menotti, sombre commentaire sur sa rupture avec Samuel Barber.

Adèle GornetAdèle Gornet, préparant son concert sur son épinette de voyage. Photographie @ musicologie.org.

Que le cher public féminin de musique de chambre à Giverny ne se fasse pas trop d’illusions. Personne ne conteste qu’une sérénade est un concert nocturne donné sous les fenêtres d’une dame que l’on veut  honorer, particulièrement à l’heure où elle tente péniblement de s’endormir. Une sérénade est également une engueulade, une rengaine, un ressassement, et plein de choses désagréables. Ne vous attendez donc pas à une soirée de tout repos.

Igor Stravinsky (1882-1971), Suite italienne, pour violon et piano (1932) d’après le ballet Pulcinella (1919) : I. Introduzione, II. Serenata, III. Tarantella, [IV. Gavotte con due variazioni, V. Scherzino, presto alla breve], VI. Minuetto e finale, arrangement (I, II, III, VI) pour septuor à cordes par Raphaël Drouin. Nikita Boriso-Glebsky, Aylen Pricthin (violons), Jossalyn Jensen Vladimir Bukac (altos), Michel Strauss, Zlatomir Fung (violoncelles), Ulysse Vigreux (contrebasse).

Igor Stravinsky n’est pas du tout Italien. Il est né en 1882, au sein d’une famille nobiliaire quelque peu dépossédée et désargentée. Le père est une basse-baryton connue, la mère une pianiste et chanteuse tenant la route. Igor est un piètre élève au piano. Fyodor, le père basse-baryton prend acte de la nullité de son fils : de sa belle voix grave chante la sérénade en russe, lui ordonne de faire des études de droit. Sa mort en 1902 est une aubaine pour le fils, qui peut alors étudier avec Rimski-Korsakov à Saint-Pétersbourg. Lors du premier concert de ses œuvres, il est remarqué par Serge de Diaghilev, fondateur et directeur des célèbres Ballets russes. Premières commandes, premiers succès, et le 29 mai 1913, scandale retentissant lors de la création du Sacre du printemps. Les modernistes ne jurent plus que par lui. Quelques années plus tard, il abandonne ses rythmes-moteurs effrénés, une bonne partie de ses dissonances. Ses partisans sont scandalisés. Le ballet Pulcinella, commande de Diaghilev en 1919, marque cette seconde manière, ici basée sur des thèmes de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736), compositeur à succès, dont la reprise à Paris de son intermezzo, La serva padrona en 1752 est à l’origine de la fameuse querelle des bouffons… Stravinsky a été inhumé à Venise après des obsèques solennelles. Il devrait être aujourd’hui italien.

GIvenryAdèle Gornet (clavecin), Tanja Sonc (violon), Valentin Tournet (viole de gambe). Photographie @ musicologie.org.

Arcangelo Corelli (1653-1713), Sonate en mineur, opus 5, no 12, « La follia », pour violon solo, viole ou clavecin : 1.Prélude, 2. Allemande, 3.Courante, 4. Gigue, 5. Sarabande, 6. Gavotte, 7. Follia, (en fait thème et 23 variations), dédiée à la duchesse Sophie Charlotte de Brandebourg (1700). Tanja Sonc (violon), Adèle Gornet (clavecin), Valentin Tournet (viole de gambe).

Le plus vieux et le plus italien de nos visiteurs de ce soir est de loin Arcangelo Correlli qui fête cette année son trois cent soixante-cinquième anniversaire. Il est né dans une famille fortunée des environs de Ravennes. Il apprend le violon, et gagne Rome au début des années 1670. Il est violoniste dans des ensembles d’église et à la chambre de la reine Christine de Suède, installée à Rome après son abdication. Il fait une grande carrière de violoniste, de compositeur et de maître de chapelle, particulièrement au service des cardinaux Pamphili, et Pietro Ottoboni. Il est un adepte des « deux pratiques » inaugurées pas Claudio Monteverdi, compose pour l’église et la cour. En 1700, il ajoute 12 sonates aux soixante déjà publiées. Six pour l’église, qui se caractérisent par leurs mouvements « lent, vif, lent » au lieu de « vif, lent, vif. ». Six pour le profane, qui sont des suites de danses. La douzième est une suite de 23 variations sur le célébrissime thème de La follia, apparu au Portugal vers 1500.

Hugo Wolf (1860-1903), Sérénade italienne, en sol majeur, 1 mouvement molto vivo, pour quatuor à cordes (1887). Nikita Boriso-Glebsky  (violon), Ryo Kojima (violon), Kei Tojo (alto), Joris Van den Berg (violoncelle).

Hugo Wolf, surnommé « le Wagner du Lied » est un maître du mariage de la poésie et de la musique. On imagine à peine qu’il ait pu composer autre chose que des Lieder. Une symphonie, étrillée dans les grandes largeurs à sa création. Retour de manivelle pour celui qui à Vienne se permettait de critiquer le passéisme de Brahms, quatre œuvres de chambre dont cette courte Sérénade italienne, composée en 2 jours. Cinq années plus tard, il projette une orchestration et deux mouvements supplémentaires, avec la chanson napolitaine « Funiculi, funiculà » en final. Tout cela est resté à l’état d’esquisses. C’est une œuvre à programme souligné par le solo de violoncelle, déclaration de l’amoureux (moquée ?), qui supplie peut-être la bien-aimée de ne pas vider la casserole d’eau (ou plus, cela s’est déjà vu), qu’elle brandit par la fenêtre.

Antoine de GroléeAntoine de Grolée après concert, à la Maison rose, celle que Monet réservait à ses invités, aussi maison principale de musique de chambre à Giverny quinze jours pas an. Photographie @ musicologie.org.

Gian Carlo Menotti (1911-2007), Suite pour deux violoncelles et piano, opus 66 (1973), 1. Introduction, 2. Scherzo, 3. Arioso, 4. Finale, commande de la Chamber Music Society of Lincoln Center. Michel Strauss (violoncelle), Zlatomir Fung (violoncelle), Antoine De Grolée (piano).

Gian Carlo Menotti et un peu moins italien qu’Arcangelo Corelli, mais est issu comme lui d’un milieu aisé côté père, musicien côté mère. Il étudie au Conservatoire de Milan, puis au Curtis Institute of Music de Philadelphie. En 1937, son premier grand opéra, Amelia al Ballo, remporte un immense succès annonçant les suivants, opéras pour la scène, la radio, la télévision, des ballets, œuvres chorales. On l’attend un peu moins en musique instrumentale et de chambre. Il gagne de nouveau les États-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale, s’installe en 1943 avec le compositeur Samuel Barber (pour lequel il a écrit plusieurs livrets d’opéra) à Mount Kisco (New York), sans abandonner sa nationalité italienne. Il est couvert d’honneurs, dont deux Prix Pulitzer, et le petit bout symbolique d’un troisième, pour un opéra de Samuel Barber dont il est le librettiste. Son extraordinaire suite composée l’année de sa rupture avec Barber n’est pas vraiment une sérénade. Comme plan de drague, on fait mieux. Plutôt que monter au balcon, c’est plutôt une musique qui en tombe, les larmes avec.

 

Suite à la loi sur le harcèlement de rue, les sérénades ne sont plus autorisées.GivernyAntoine De Grolée (piano), Zlatomir Fung (violoncelle), Michel Strauss (violoncelle). Photographie @ musicologie.org.

 

Jean-Marc Warszawski
24 août 2018

 

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bouquetin

Mercredi 29 Août, 2018 3:27