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Musique de chambre à Giverny : la révolution de l'art en musique

g. à d. : Fedor Rudin, Bogdan Sydorenko, Jechang Jung, Elina Buksha, Vladimir Percevic, Adriana Ferreira.

Concert du 26 août 2017, église de Giverny

Claude  Debussy, Prélude à l'après-midi d'un faune (1892-1894), arrangement pour orchestre de chambre réalisé en 1920 par Benno Sachs, créé le 6 novembre 1921 à Vienne, dans le cadre de l'Association des concerts privés.

Adriana Ferreira (flûte), Jechang Jung (hautbois), Bogdan Sydorenko (clarinette), Marcel Cara (harpe), Elina Buksha  (violon 1), Fedor Rudin (violon 2), Vladimir Percevic (alto), Zlatomir Fung (violoncelle), Jean-Édouard Carlier (contrebasse), Yun-Yang Lee (piano), Corentin Aubry (percussions).

Créé le 22 décembre 1894 à Paris, L'après-midi d'un faune c'est Noël avec trois jours d'avance pour la musique française, un triomphe, la pièce, un ramassé d'audaces inouïes pour l'époque, rompant avec les conventions, doit être bissée. Prévoyant une suite de trois pièces d'après le poème de Stéphane Mallarmé, Debussy s'est contenté du prélude, reculant peut-être devant l'obligation de réaliser encore deux coups d'éclat surpassant l'éclat, sur les « décors successifs à travers lesquels se meuvent les désirs et les rêves du Faune dans la chaleur de cet après-midi » (on en a rêvé tout l'été). Un thème, grande arabesque, présenté sept fois dans une harmonie et une instrumentation différente. Cette œuvre a connu des centaines d'adaptations dans tous les genres musicaux, telle la mise au piano à quatre mains de Maurice Ravel en 1910. Pour Pierre Boulez cette pièce marque l'éveil de la modernité musicale.

Adriana Ferreira.

On s'interroge sur les relations que Debussy et Schönberg, référence de l'avant-garde musicale et de la « table rase » des années 1950, auraient pu entretenir. Debussy avait des partitions de Schönberg. En 1980, les éditions musicales Belmont ont édité un arrangement du Faune pour 11 instruments « sous les auspices d'Arnold Schönberg ». L'auteur est en fait un certain Benno Sachs, œuvrant au sein de l'Association des concerts privés, que Schönberg animait à Vienne pour promouvoir les musiques nouvelles. Le 18 novembre 1920, Benno Sachs écrivit à Schönberg qu'il avait achevé l'arrangement pour orchestre de chambre, qu'il était curieux d'entendre comment cela sonnait. Le 25, Pauline Klarfeld (élève de Schönberg, secrétaire et archiviste de l'association) confirma par lettre à Schönberg que l'arrangement était ajouté au fonds sous le numéro 215. La curiosité de Sachs fut comblée le 6 novembre 1921 dans un concert consacré aux œuvres de Debussy. Les finances rongées par l'inflation, l'association est dissoute en décembre. [Ce soir, la harpe remplace l'harmonium de l'orchestration originale].

Jechang Jung.

Philippe Hersant, 3 nocturnes, pour flûte, alto et harpe, dédicacés à Véronique Ghesquière, Pierre-Henri Xuereb et Jean-Luc Menet, composés en 2001, créés Salle Cortot à Paris, 12 novembre 2001, par l'ensemble Alternance.

Adriana Ferreira (flûte), Marcel Cara (harpe), Vladimir Percevic (alto)

Élève d'André Jolivet au Conservatoire national supérieur de Paris, Philippe Hersant, qui nous a fait l'honneur de sa présence en 2007 et 2013, en offrant chaque fois une création, est une figure de proue de la création contem-poraine depuis le début des années 1980. Il bénéficie de nombreuses com-mandes, de festivals, ensembles, solistes, théâtres, cinéastes, et a récolté un nombre impressionnant de distinctions. Nommé 7 fois aux victoires de la musique entre 1986 et 2015, compositeur de l'année en 2005, 2010, 2016, Prix SACEM, grand Prix du disque, de la critique musicale, de l'Académie du disque français, etc.

Il considère que la musique ne se divise pas en plusieurs époques, qu'il est en sorte héritier non pas d'une école, ou de ses prédécesseurs immédiats, mais de toutes les musiques qui l'ont précédé. La sienne est essentiellement consonante, les dissonances n'étant que des contrastes ou des tensions.

Ces trois préludes sont un hommage à deux grands précurseurs de la modernité, Claude Debussy et Franz Liszt que Philippe Hersant juge « si énigmatiques, d'une nouveauté si surprenante pour l'époque et qui, si souvent, semble annoncer Debussy ».

Claude Debussy est évoqué par la configuration instrumentale, la flûte des diablotins et la harpe ruisselante d'arpèges, aussi par sa célèbre sonate (harpe, flûte, alto, 1915), que le compositeur jugeait être d'« affreuse mélancolie ». L'hommage à Franz Liszt apparaît dans la petite pièce centrale, par la citation de deux œuvres parmi ses dernières, la Bagatelle sans tonalité (1885) et la Csardas obstinée (1884).

Kei Tojo.

Dmitri Chostakovitch, Quintette avec piano, opus 57, en sol mineur, 1. Prélude : lento - poco più mosso - lento, 2. Fugue : adagio, 3. Scherzo : Allegretto, 4. Intermezzo : lento - appassionato, 5. Finale : Allegretto, composé en été 1940, créé à Moscou le 23 novembre 1943, par le quatuor Beethoven et le compositeur au piano.

Jean-Claude Vanden Eynden (piano), Julia Turnovsky (violon 1), Fedor Rudin (violon 2), Kei Tojo (alto), Michel Strauss (violoncelle).

Pendant l'effroyable calamité de la Seconde Guerre mondiale, Chostakovitch compose ses 6e, 7e et 8e symphonies, un trio pour cordes, une sonate pour piano, et ce quintette.

Cette œuvre est demandée par le Quatuor Beethoven, après le succès du 1er quatuor opus 49, porté par le quatuor Glazounov en 1938. Selon Isaak Glikman, homme de lettres, ami et secrétaire de Chostakovitch, ce dernier aurait ajouté le piano par calcul personnel, afin d'avoir l'occasion de jouer lui-même et de voyager un peu partout, à travers villes et villages, grâce aux tournées.

Bien des notices signalent qu'à première vue on pourrait penser à une pièce néoclassique, mais que ce serait à tort, et mentionnent un hommage à Bach avec le prélude et fugue d'ouverture. En réalité, c'est là un des aspects du style de Chostakovitch — dont on a ici un concentré. Peut-être est-il plus juste de faire valoir la parfaite maîtrise de la forme et de l'harmonie académiques (qui ne sont jamais bien loin), et l'art du détournement, de la déformation, du décalage, du masque, de l'appropriation personnelle. D'où les effets ironiques, comiques, sarcastiques.

Cette œuvre remporte un grand succès, la Pravda jubile : « À quoi tiennent la nouveauté et la force de cette œuvre ? Le contenu du quintette consiste, en son lyrisme, sa vérité du comportement humain, ses dispositions et ses images. L'œuvre touche par sa profondeur et sa grandeur, il a trouvé la solution lyrique à une tâche artistique très importante d'aujourd'hui : véracité, sincérité et amour ont libéré la force intérieure d'une grande personnalité humaine … La puissance de l'effet esthétique et l'expression musicale du quintette sont vraiment signifiantes »

Pour cette œuvre, il reçut le Prix Staline pour orner le revers de son costume, et les 100 000 roubles qui allaient avec pour en remplir les poches.

 

Jean-Marc Warszawski
août 2017.

Les concerts de la session 2017

1. Ode à la joie ; 2. Sur les routes de la soie ; 3. Le mythe et la musique ; 4. Au cœur des Mille et une nuits ; 5. Au bord de la Caspienne ; 6. Soirée Franco-Russe ; 7. La Révolution d'octobre ; 8. La poédsie et la musique ; 9. La révolution de l'art en musique ; 10. Deux géants de la révolution en musique ; 11. Prends garde à toi !

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Mercredi 15 Novembre, 2023