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9-11 juin 2017, par Strapontin au Paradis ——

Lille Piano(s) Festival 2017 : encore plus d'éclectisme joyeux

La 14e édition de Lille Piano(s) Festival, qui s'est déroulée du 9 au 11 juin sous le thème de « rencontre et transversalité », a ressemblé quelque 14 000 auditeurs en 30 concerts. Si l'éclectisme a toujours été le fil conducteur du festival, il a connu d'encore plus belles cette année : concerts et récitals « classiques », ciné-concert, concerts avec projection de vidéos, celui dans le planétarium à Villeneuve-d'Ascq, beaucoup de jazz en tout genre, accordéon et viole de gambe, piano et marimba, sans oublier les master classes et rencontres avec des artistes.

Stephen Hough et l'Orchestre national de Lille sous la direction de Jean-Claude Casadesus. Photographie © Ugo Ponte / Orchestre National de Lille.

Le concert d'ouverture, le vendredi 9 juin à 20 heures à l'auditorium du Nouveau Siècle, avec Elena Bashkirova, Stephen Hough et Orchestre national de Lille sous la direction de Jean-Claude Casadesus était le premier temps fort de cette édition. Le 21e concerto de Mozart a souffert de l'orchestre et de l'espace trop larges, le piano de concert Yamaha, malgré sa belle qualité sonore, est apparu peu adapté à la partition. En effet, ce fut une belle occasion de constater que l'interprétation sur instruments d'époque ayant gagné le terrain depuis déjà quelques décennies, notre oreille s'est habituée à une sonorité « ancienne », ce qui a profondément modifié notre attitude dans l'écoute musicale ; et que les salles de concert à une acoustique « idéale » sont aujourd'hui construites afin, au moins dans le projet, d'offrir une belle résonance à un grand orchestre de type « romantique ». C'est ainsi que nous avons hautement apprécié la performance époustouflante de Stephen Hough dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Sa force pour affonter l'orchestre à pied d'égalité, son élan expressif, à la fois impulsif et bien calculé, entraîne l'auditoire dans un enthousiasme collectif.

Nelson Goerner et l'Orchestre national de Belgique sous ladirection d'Hugh Wolff. Photographie © Ugo Ponte / Orchestre National de Lille.

Le samedi 10 juin à 18 heures dans le même lieu, Nelson Goerner nous éblouit avec son incandescence pianistique impressionnante, dans le deuxième concerto de Prokofiev. Ses gestes sont en parfaite harmonie avec le son qu'ils produisent, dans une formidable économie du mouvement, sans aucune perte d'énergie qui se transmet du corps aux doigts. Cette énergie, et celle de l'excellent Orchestre national de Belgique entrent en une belle confrontation, pour tirer le meilleur de l'un et de l'autre. Prodigieuse, son interprétation nous fait retenir le souffle, le clavier devient tant un instrument de percussion qu'un velours tendre et doux. En deuxième partie, Hugh Wolff dirige les Danses symphoniques de Rachmaninov, très colorées, dynamiques et résolues, faisant ressortir les timbres propres à chaque instrument dans une rivalité efficace.

Marianne Muller et Vincent Lhermet. Photographie © Strapontin au Paradis.

Lille Piano(s) Festival s'amuse à jouer avec l'association des sons inattendus. Après un duo de piano et de clavecin avec Édouard Ferlet et Violaine Cochard autour de Bach l'année dernière, c'est au tour de l'accordéoniste Vincent Lhermet et de la gambiste Marianne Muller de proposer, samedi après-midi à 15 heures, à la Salle Québec du Nouveau Siècle, un programme « poetical humours », sur la mélancolie que l'Angleterre élisabéthaine aimait évoquer en musique. Les deux musiciens ont transposé sur leurs instruments des songs de Hume, Dowland, Bull et Gibbons, avec accompagnement de luth, théorbe, harpe, clavecin ou violon. Si au début le duo de ces instruments, apparus à deux époques très éloignées, frappe par l'étrangeté de leur mixture, l'oreille s'y habitue assez vite et prend plaisir aux transcriptions inventives et interprétations qui le sont tout autant. Ils nous proposent également Into something rich and strange de Thierry Tidrow, compositeur franco-canadien né en 1986. Dans cette première pièce écrite spécifiquement pour cette formation, les traitements des deux instruments évoquent les vents, en rapport avec La Tempête de Shakespeare, restant ainsi partie dans la thématique élisabéthaine. Ils créeront en juillet une autre pièce, écrite pour eux par Philippe Hersant, dans différents festivals.

The Amazing Keystone Big Band. Photographie © Ugo Ponte - Orchestre National de Lille.

Le jazz est le point fort du festival depuis sa création. Le spectacle-concert « Le Carnaval jazz des animaux », donné dimanche 11 juin par The Amazing Keystone Big Band, revisite la fameuse œuvre de Saint-Saëns avec un conte original de Taï-Marc Le Thanh, racontant l'aventure d'un éternel méchant : le loup. Chaque animal a, comme chez Saint-Saëns, non seulement son instrument, mais aussi un style de jazz, si bien qu'on peut parcourir une histoire du jazz, du blues au bebop, du swing au free-jazz, mais aussi des fanfares de La Nouvelle-Orléans, la bossa-nova, le funk et le jazz-rock (mais pas chronologiquement !) Les gestes et les expressions exagérés du récitant Sébastien Deningue font le bonheur des enfants, dont certains s'identifient clairement à un des animaux en imitant les mêmes gestes ; Il y a bien la part d'improvisation pour chaque instrument et les musiciens s'en donnent à cœur joie. En bis, deux extraits de leur prochain spectacle sur Django Reinhardt, et pour terminer, les jazzmen traversent la salle en procession sur le thème de When The Saints Go Marching In, en faisant danser les spectateurs.

Chassol. Photographie © Ugo Ponte / Orchestre national de Lille.

Samedi 10 juin à 22 heures, le musicien multitalent Chassol projette ses films Animal Conducteur et IndiaMore sur la musique qu'il joue au clavier seul pour le premier, avec trois flûtistes pour le second. Son procédé cinématographique pour ces deux films est similaire : cela consiste à reprendre une séquence d'image pour le répéter un certain nombre de fois, avec la musique qui correspond, dans un style de musique minimaliste. L'Animal Conducteur met en scène une répétition que donnait Jean-Claude Casadesus à l'orchestre national de Lille et IndiaMore, filmé au bord du Gange, présente une variété de chanteurs et d'instrumentistes de rue. Christophe Chassol reprend sur scène l'intonation des paroles prononcées par les protagonistes du film pour en faire des motifs mélodiques et rythmiques, il les harmonise parfois sur son synthétiseur, accompagne le film tout au long. Si ce procédé n'est pas tout à fait nouveau, la fusion entre l'image et la musique est originale, représentant son propre univers nourri à la fois de la musique électronique minimale et de la culture pop.

Dimanche 11 juin à 20 heures, la fin des trois jours de fête, avec Poulenc (concerto pour deux pianos et orchestre) et Prokofiev (concerto pour piano no 3) interprétés par Hélène Mercier et Louis Lortie pour la première partie, Nicholas Angelich pour la deuxième avec l'Orchestre national de Lille sous la baguette de Jean-Claude Casadesus. Créés respectivement en 1932 et 1921, les deux œuvres montrent la grande diversité qui a régné au début du XXe siècle. La grâce et l'élégance de Poulenc sous les doigts d'Hélène Mercier et Louis Lortie cèdent à la rigueur et l'énergie de Prokofiev. Nicholas Angelich conquiert le public avec son jeu admirable et vigoureux, mais aussi dans la langoureuse mazurka de Chopin qu'il donne en bis.

À suivre : Lille Piano(s) Festival – Récital

 Strapontin au Paradis
1er juillet 2017
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