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Maastricht, 12 février 2017, par Jean-Marc Warszawski ——

La pianiste Maria Belooussova chez les Amati à Maastricht

Gil Sharon, Maria Belooussova, Evgenia Epshtein, Wolfgang Güttler, Alexander Warenberg. Photographie © jmw.

Le violoniste et parfois altiste Gil Sharon, né à Bucarest, installé à Maastricht en 1969,  a créé l'ensemble Amati en 1992 (ne pas confondre avec les Amati canadiens), et depuis 1995 présente un programme de musique de chambre sous l'égide du Theater aan het Vrijthof de Maastricht (parfois au concertgebouw d'Amsterdam), à raison d'un concert par mois d'automne à printemps.

Si au long des années  des fidélités musicales se sont liées, Amati est avant tout l'art de Gil Sharon à réunir autour de lui des chambristes de haut niveau, tant de vieux briscards blanchis sous la colophane et la poussière des planches,  que des jeunes n'ayant pas attendu les années pour les égaler, tel ce soir le violoncelliste Alexander Warenberg, né à Voorburg près de La Haye il y a dix-neuf ans. Pour Maria Belooussova, ce sont des retrouvailles, puisque qu'elle à déjà joué avec lesAmati, y compris au concertgebouw, mais encore retrouvailles avec la violonistes Evgenia Epshtein, une de ses camarades de l'école spéciale de musique à Ekaterinbourg.

Je connaissais comme tout le monde le Theater aan het Vrijthof et sa sympathique salle aménagée sous les combles pour la musique de chambre, mais pas encore, proche des murs de la ville, le Conservatoire et son auditorium à l'accueil douillet faisant oublier le caractère administratif qui habite en général ces établissements.

La salle est quasiment pleine, très claire, pas très vaste, mais avec deux balcons. On peut en dater la construction des années 1960.

Le programme est assez original.

Gil Sharon, Evgenia Epshtein, Wolfgang Güttler, Alexander Warenberg. Photographie © jmw.

Deux (1 et 3) des « six sonates a quattro » de Gioachino Rossini, qui écrit les avoir composées en 1804, à l'âge de 12 ans, alors sans éducation musicale, chez son ami Agostino Triossi près de Ravennes, et les avoir jouées « avec les moyens du bord comme des chiens » (lui-même second violon). Ce sont des divertimentos  qui fleurent les maîtres Mozart, Haydn et Vivaldi. Les musiciens, Gil Sharon (violon), Evgenia Epshtein (violon), Alexander Warenberg (violoncelle) et Wolfgang Güttler (contrebasse), mettent en valeur grâce, nuance, clarté, articulations et belcanto. Il faut entendre le gaillard un peu armoire à glace qu'est Wolfgang Güttler faire chanter tout en nuances et douceur sa contrebasse. Les  derniers mouvements de chacune de ces pièces sont de toute beauté. L'ensemble manque quelque peu d'engagement dans les mouvements dansants, surtout dans le dernier mouvement de la première sonate, qu'on aurait aimé être un peu plus endiablée.

Changement de décor, l'altiste Ron Ephrat, le chef d'orchestre et trompettiste suédois, Per Otto Johannson, la pianiste Maria Belooussova viennent étoffer les rangs pour le curieux septuor opus 65 de Camille Saint-Saëns : quatuor à cordes, trompette, piano, contrebasse. Cette œuvre est une commande d'Émile Lemoine, mathématicien et altiste amateur qui animait une société de musique de chambre courue : « La trompette ». On ne manquait pas d'humour, Saint-Saëns qui en avait aussi déclina d'abord cette commande en promettant une œuvre pour guitare et treize trombones, puis après un bout d'essai bien accueilli en janvier 1880, la pièce entière (Préambule, Menuet, Intermède - Gavotte et Final, est créée à une des soirées de la société « La trompette » fin décembre, avec notamment Saint-Saëns au piano, Martin-Pierre Marsick au violon, Jules Deslart au violoncelle. Le quatuor était doublé, donnant certainement à l'œuvre un aspect de concertino pour piano et trompette.

Evgenia Epshtein, Gil sharon, Maria Belooussova, Per-Otto Johansson, Ron Ephrat, Wolfgang Güttler, Alexander Warenberg. Photographie © jmw.

C'est une pièce à l'instrumentation rare, mais aussi curieuse de facture. Si elle est loin d'être athématique, elle ne développe pas selon la tradition de la musique de chambre établie par les maîtres allemands. Avec la trompette oscillant de sonneries martiales à mélodies élégiaques, mélancoliques, entre piano et cordes, il s'agit d'une suite d'épisodes dans une apparente simplification harmonique, qui pourrait faire penser à la recherche d'une esthétique « dans le style ancien »... à la française, Saint-Saëns oblige.

Les musiciens sont concentrés, appliqués au beau jeu. Comme c'est du Saint-Saëns, il y a de beaux traits, surtout au final,  voire de beaux épisodes virtuoses au piano, second soliste de l'œuvre.  Peut-être  là encore, manque-t-il de l'engagement collectif ou de choix clairs ? Mais cette pièce inhabituelle attire l'écoute, le public manifeste son enthousiasme, avant l'entracte dans le hall du Conservatoire transformé en salle de bar chaleureuse.

Enfin la soirée se termine avec un joyau assuré de la musique de chambre, le quintette en la majeur (1887) d'Antonín Dvořák, avec ses élans brahmsiens, son magnifique thème cyclique, ses accents populaires tant dans l'élégiaque dumka que dans le rythme de furiant du 3e mouvement. On sent, on voit et surtout on entend l'engagement des musiciens, que le public applaudira debout, avant un dernier verre et quelques échanges de propos, y compris avec les musiciens.

Jean-Marc Warszawski et Maria Belooussova à Maastricht après le concert. Photographie © yrw.

 Jean-Marc Warszawski
13 février 2016

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