musicologie
18 février 2017, par Jean-Marc Warszawski ——

L'ensemble « Les harpies » entre Paradis, Enfer et bonne musique

Les harpies; In Nomine : Odile Edouard (violons), Mickaël Cozien (cornemuses et gaïta ou flûte basque), Freddy Eichelberger (orgue, cistre), Pierre Gallon (colachon, spinetto, régale). Encelade 2016 (ECL 1502).

Les cédés nous parvenant dans des pochettes, j'avoue avoir été assez dubitatif et peu encouragé à couper l'enveloppe de cellophane de celle-ci avec mon petit Opinel. Le communiqué, reprenant les notes d'intention du chef de projet, si je peux dire, n'étant pas beaucoup plus éclairant que « In Nomine : Les Harpies ».

En fait, la pochette ne porte pas le sous-titre révélé dans le livret : « Enfers et Paradis dans le paysage musical européen autour de 1600 ». Bien qu'il n'y a pas de paysage musical européen (surtout pas en 1600), mais des pratiques diverses et cosmopolites, on comprend quand même le projet.

Freddy Eischelberger, coordinateur artistique, explique essentiellement son aventure personnelle dans ce projet repris du  groupe musical « Les Witches » auquel il participait, dans un texte plutôt adressé aux amis et connaissances plus qu'au grand public inconnu, ce qui ne facilite pas la compréhension.

Cette question de l'Enfer et du Paradis en musique est une vaste affaire. Certes, personne en ce temps n'a jamais prétendu composer de la musique démoniaque, ce qui aurait conduit à la Question et sans doute n'en doutons pas au bûcher. Mais les théologiens, depuis les Pères de l'Église, se méfient de la musique, médiatrice efficace pour porter les paroles supposées divines, mais aussi danger sensuel, propre à amollir et à détourner l'attention, par sa féminité et sa langueur. Longtemps, les instruments de musique ont été interdits à l'office, et chez les religieux, on pouvait soupçonner la présence du diable dans les danses et les farandoles païennes (paysannes), surtout si les femmes y participaient, on pouvait désigner des danses ou des airs comme diaboliques, ce qui est le cas de quelques airs de ce cédé.

Il y a ce qui entre à l'église et ce qui doit lui rester extérieur, à l'image des monstres et diables qui en ornent parfois les façades. À l'intérieur, monstres, diables, vulgarité, burlesques, érotisme, sont parfois sculptés sous les sièges des stalles. On peut imaginer l'existence d'un pendant musical.

Mais la liturgie évoque, évidemment, le Paradis, l'Enfer aussi et la colère de Dieu qu'il faut craindre. Ce que les musiques peuvent illustrer, figuralisme aidant, sans oublier le « tonnerre » qui équipait les orgues.

Ce thème n'est en fait pour ce cédé qu'un fil conducteur, pour un florilège de 19 pièces religieuses et profanes, plutôt dansantes, chantantes, que recueillies, qu'on pourrait imaginer réparties entre la tribune à l'intérieur et le parvis à l'extérieur, en Italie, France, Pologne, Bavière,  Angleterre, auxquelles s'ajoute des improvisations.

Tout le monde est réuni autour de l'orgue de l'église abbatiale de Saint-Savin dominant la vallée du Gave, un magnifique instrument construit en 1557, ravalé en 1618, et sorti de la ruine par une restauration à l'identique en 1995, dont la soufflerie peut-être actionnée à la main, comme c'est le cas pour cet enregistrement.

Une belle fête musicale, collective, dans un esprit sonore rustique, riche et généreux, quelque peu d'esprit gothique, sensuel, à faire sauter les pères de l'église au plafond (on réécoute avec plaisir) : Odile Edouard (violons), Mickaël Cozien (cornemuses et gaïta — flûte basque), Freddy Eichelberger (orgue, cistre), Pierre Gallon (colachon, spinetto, régale), chœur des huguenots (les fidèles réquisitionnés sur place) pour la partie chantée du Psaume (davidique) LXV.

Scaraçule Maraçule (extrait de la plage 7). Dans les temps anciens, au Frioul, ces mots désignaient une branche de fenouil qui servait dans les rites païen à invoquer la pluie. Hymne des benandanti (culte agraire du frioul), le livret nous aprend que les sorciers dansaient dessus la nuit de la Saint-Jean.

Vestiva i colli e le campagne intorno (Palestrina), Slap and kiss, Szegény legény éneke, Io son ferito ahi lasso (Palestrina), Scjaraçule maraçule, Les Bouffons, In Nomine improvisé, Rolling hornpipe, Ricercar noni toni (Christian Erbach), O Mely Csudalatos, Psaume LXV Verset 1 à deux voix, Psaume LXV Verset 2 orné, Psaume LXV Verset 3 au ténor, Psaume LXV Verset 4 chanté (Guillaume Franc, paroles Théodore de Bèze), First Witches dance, In Nomine (John Bull), Suite de bransles (Pierre Attaingnant).

Jean-Marc Warszawski
18 février 2017
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