musicologie
1er décembre 2017, Jean-Marc Warszawski ——

André Tubeuf : Bach ou le meilleur des mondes

Tubeuf André, Bach ou le meilleur des mondes. Le Passeur, Paris 2017 [254 p. ; ISBN 978-2-36890-507-4, 19,50 €].

 

Nous ne savons pas si la grâce littéraire d’André Tubeuf est allée chercher la musique pour s’exprimer, ou si la musique est venue à lui en inspiratrice, toujours est-il que le lecteur peut se laisser porter avec plaisir par sa si belle écriture, active depuis une cinquantaine d’années, au long de près de trente ouvrages essentiellement consacrés à la musique et d’innombrables articles de presse.

Le meilleur des mondes est celui de Gottfried Wilhelm Leibniz, mais sans plus, penseur particulièrement apprécié du musicographe, lequel malgré une surabondante activité dont avoir été conseiller de la musique dans deux ministères successifs, n’a pas abandonné avant la retraite son enseignement de philosophie dans les lycées strasbourgeois.

Sans plus, parce que le sous-titre n’est pas celui d’une thèse sur les relations de la pensée philosophique de Leibniz avec l’art musical de Johann Sebastian Bach, il est le souvenir du temps où « l’illumination de Leibniz » est entrée en André Tubeuf alors qu’André Tubeuf entrait en Bach, aussi le Leibniz de l’optimisme, celui d’un Dieu ayant créé le monde et la beauté en plus comme gloire supplémentaire. L’auteur ne va pas jusqu’à l’hérésie, il ne faudrait pourtant pas trop le pousser, en associant Bach à la Consubstantialité, mais pour lui, les œuvres du musicien sont la beauté en plus de Dieu, le surcroit d’âme qui procède du corps (thème de la pensée 22 : Ce corps qui est naturellement âme), Johann Sebastian Bach est « le cinquième évangéliste ».

Il y a dans ces quarante-trois pensées ciselées, avec prélude et coda, habiles à la conceptualisation, quelque chose des Confessions de saint Augustin, sans le renoncement, le récit d’une véritable conversion en Bach, commencée dans les années 1950 avec la quête des premiers enregistrements. Le Bach qui chante, voire qui danse quand il s’agit des doigts de Glenn Gould sur le clavier. Les œuvres privilégiées, ses serviteurs inoubliables : Kathleen Ferrier, Fischer Diskau, Koloman von Pakaty, Emmi Leisner, Gertrud Burgsthaler, des réflexions sur la fugue, le rythme, les apôtres, la voix d’alto, les relations au divin et aux Testaments, l’immobilité, etc. Un magnifique enchevêtrement de plaisir musical, de structuration de la pensée, de générosité littéraire.

Nous avouons avoir ressenti une légère crispation aux toutes premières pensées, éloge de l’ordre et des bienfaits de l’enracinement dans un terroir (la famille Bach), évoquant plus le peu recommandable Heidegger que Leibniz, Heidegger qui ressurgit, nous semble-t-il, plus pacifiquement, dans la notion de « plein-être » ou de « plein » de la musique de Bach pleine de son Dieu, pour nous plus universelle qu'enracinée, mise en ordre et mouvement des destins insaisissables plus qu'ordre, la plénitude d’André Tubeuf en Bach.

Jean-Marc Warszawski
1er décembre 2017
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