Le trio Steuermann : encède la seconde école de Vienne avant la rupture

Trio Steuermann, Nuit transfigurée, œuvres de Johannes Boris Borowski, Arnold Schönberg, Anton Webern. Hortus 2016 (HORTUS130).

8 septembre 2016, par Jean-Martc Warszawki ——

En donnant le nom de Steuermann à leur trio, Maiko Matsuoka (violon), Christophe Mathias (violoncelle) et Anne de Fornel (piano) entendent certainement marquer leur attachement à la seconde-école de Vienne, Eduard Steuermann (1892-1964), ayant été élève de Schönberg, et le créateur d'un bon nombre de ses pièces dès le Pierrot Lunaire.

Le programme de ce cédé s'ouvre sur un arrangement pour trio de Die Verklärte Nacht, La nuit transfigurée, d'Arnold Schönberg par Eduard Steuermann.  Si Schönberg offrit en 1899, son sextuor devenu célébrissime, à Mathilde Zemlinsky dont il était amoureux, Steuermann quant à lui, offre son arrangement, en 1932, à Alice Moller (1870-1962) une amie proche, pianiste sortie du Conservatoire de Vienne, également élève de Schönberg pour le contrepoint.

Malgré un début de carrière fulgurant en Europe, après quelque hésitation, Steuermann se résout à fuir le nazisme en 1936, il rejoint sa sœur en Californie. Il fera une belle carrière de concertiste, particulièrement apprécié dans le répertoire classique, il sera professeur à la Julliard School et au Conservatoire de Philadelphie.  Après-guerre, Alice Moller s'installe en Israël, elle est en possession de la partition du trio qui reviendra dans les moins du compositeur dans les années 1950, il sera publiée en 1979.

Cette œuvre encore assez rare dans les programmes de concerts et de cédés ne cède en rien au chef-d'œuvre original, et osons-le, est peut-être plus abouti.  C'est une chance que la partition n'ait pas été égarée.

Langsamer Satz (mouvement lent), pour quatuor à cordes, a  été composé en 1905. Anton Webern, qui étudie pour la première année avec Schönberg, ne l'a pas numéroté. Elle fait partie des cinq esquisses ou mouvements, d'un grand raffinement, composés cette année-là. Elle a été créée le 27 mai 1962, à Seattle, par le quatuor à cordes de l'Université de Washington.

Ce n'est pas encore, loin de là, le contrepoint en dentelle atonale qu'on attache à la personnalité du compositeur. On est dans le droit fil de l'expressionnisme de la nuit transfigurée, avec une pointe, une petite pointe d'optimisme en plus, un héritage brahmsien, une somptueuse harmonie. La belle mise en trio a été réalisée par le pianiste  et compositeur Michel Mathias.

Enfin, pour conclure, une œuvre du jeune compositeur allemand Johannes Boris Borowski dédiée au Trio Steuermann, qui l'a d'ailleurs créée  le 24 novembre 2013 à Paris. C'est une œuvre en un mouvement, au cours de laquelle les liens entre les thèmes ou fragments sonores, solidaires dans une première partie, semblent dans la seconde se désunir. Dans un langage atonal libre et harmonique, qui a largement franchi un pas qui est encore à venir tant pour Schönberg en 1899 que pour Webern en 1905, mais ce sopnt eux, après Charles Ives, qui le firent. Johannes Boris Borowski est bien, dans cette œuvre, leur digne héritier.

Le trio Steuermann est à la hauteur des œuvres proposées. Un de plus beau moments de musique encédés de l'année que nous avons eu l'occasion de nous coller dans les oreilles, dans un programme bien équilibré.

En 2012, le trio Steuermann a enregistré un premier cédé consacré monographique d'ouvres de Pierre Wissmer (1915-1992).

Jean-Marc Warszawski
8 septembre 2016