Jonas Vitaud au temple de Lourmarin au Festival de La Roque d'Anthéron

Jonas Vitaud au temple de Lourmarin. Photographie © Maud Delaflotte.

Lourmarin, 4 août 2016, par strapontin au Paradis ——

Le Festival de La Roque d'Anthéron s'attache à faire revivre les lieux chargés d'histoire de la région. Le temple protestant de Lourmarin (300 places), à 15 km du village de La Roque d'Anthéron, en fait partie. Cette année, trois récitals y ont lieu, nous y avons écouté celui donné par Jonas Vitaud.

Né en 1980, élève de Brigitte Engerer, de Christian Ivaldi et de Jean Koerner, il a déjà fait la preuve de son talent en obtenant quatre premiers prix au CNSMD de Paris (piano, musique de chambre, accompagnement et harmonie) et en étant lauréat de prestigieux concours internationaux (ARD de Munich, Beethoven de Vienne…) Les deux disques qu'il a récemment publiés — l'un en associant Dutilleux et Liszt, l'autre avec des œuvres de Tchaïkovski dont Les Saisons interprétées au cours de ce récital — montrent son grand intérêt pour la construction de projets autour de programmes atypiques.

Le jeudi 4 août, il propose un programme entièrement consacré à Tchaïkovski : « Thème original et variations », extraits des Six pièces opus 19, Les saisons, et « Berceuse », extrait des Dix-huit pièces opus 72. Jonas Vitaud choisit un piano Blüthner (facteur ancestral de Leipzig), possédant un timbre doux, mais sonore.

Les œuvres pour piano de Tchaïkovski offrent une difficulté toute particulière aux interprètes : outre la Grande sonate, une épopée musicale grandiose, ce sont souvent des pièces de caractère, et selon les interprétations, elles peuvent révéler de véritables « caractères », délicats et raffinés, graves ou joyeux, ou elles tombent au contraire dans une médiocrité « salonnarde » avec toutes les connotations qui peuvent y être associées. La version de Jonas Vitaud est expressive, brillant de multiples facettes, que l'on peut d'ores et déjà prendre pour une référence.

Entre la gravité des Thème et variations et les balancements hypnotiques de la berceuse, Les Saisons se distinguent par leur diversité, que Jonas Vitaud colore à merveille : la beauté des mélodies dans « Avril : Perce-neige », « Juin : Barcarolle », « Octobre : chant d'automne » ; des pièces rythmées comme « Février : Carnaval », « Août : La moisson », « Novembre : Troïka » ; des récits musicaux tels que « Janvier : Au coin du feu », « Mai : Les Nuits de mai », ou encore une musique qui pourrait servir du final d'un ballet : « mai : Noël ».

Pour une anecdote, les pièces furent originairement publiées dans un magazine mensuel de Saint-Pétersbourg, Nouvelliste, qui proposait des partitions en supplément. À la demande de son éditeur Nikolaï Matveïevitch Bernard, Tchaïkovski composa donc une pièce par mois, de mai 1875 à novembre 1876. Même si le compositeur lui-même trouvait la tâche facile, d'où ce caractère de salon, l'imagination ne manque pas, et notre pianiste les concrétise avec force de récit et d'expression. Son talent de conteur musical est hautement apprécié du public, qui le salut avec une ovation debout.

Stapontin au Paradis
4 août 2016