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Berlioz aux invalides : un moment d'anthologie

 

Concert Berlioz par l'Orchestre symphonique de la Garde Républicaine, cathédrale des Invalides de Paris, 12 avril 2016.

Orchestre de la Garde Républicaine Orchestre de la Garde Républicaine aux Invalides le 12 avril 2016. Photographie D. R.

30 avril 2016, par Flore Estang ——

Parmi les orchestres des grandes institutions musicales de la capitale, un orchestre symphonique tient sa place très honorablement. L'Orchestre de la Garde Républicaine « dont l'origine remonte à 1848, est composé de 120 musiciens professionnels issus des conservatoires nationaux supérieurs de Paris et de Lyon. »

On peut rapprocher la couleur de la phalange des cordes de celle de l'ONF, un son un peu droit, appliqué, contrôlé et puissant, une virtuosité des instrumentistes, mise à l'épreuve de partitions difficiles comme celles de Berlioz ce soir.

Dans une émouvante présentation du programme, Christine Dana-Helfrich, conservatrice en chef du patrimoine, évoque la présence d'Hector Berlioz dans ce temple de la musique militaire, avec en particulier sa Messe des Morts, créée dans cette même Cathédrale Saint-Louis des Invalides en 1837, réunissant trois cent musiciens, œuvre à laquelle il fut particulièrement attaché.

Le programme de ce soir présente deux autres monuments du répertoire symphonique français, Harold en Italie et La smphonie fantastique. Ces deux chefs-d'œuvre de Berlioz furent littéralement redécouverts lors de ce concert, par un chef perfectionniste qui a su créer une atmosphère quasi mystique. Le chef Sébastien Billard montre une grande maîtrise de ses gestes. Toutes les entrées des pupitres sont indiquées avec précision et efficacité. Si quelques passages de la partition sont quasi militaires, là où les cuivres vont s'en donner à cœur joie, le chef reste vigilant à éviter les excés. Auteur d'un fameux traité d'orchestration, Berlioz sait choisir le timbre adéquat à l'expression la plus juste. Il a su enrichir la palette orchestrale de manière géniale.

Les qualités de l'orchestre se retrouvent dans les deux œuvres présentées, la seconde encore plus difficile à « monter », foisonnante de motifs mélodiques, d'envolées lyriques et de rubatos vertigineux.

Le violon alto soliste, Adrien Marca, n'est apparu que lors de ses interventions. Caché par un pilier côté jardin, le virtuose entra lentement, comme glissant sur les dalles. sa performance fut particulièrement appréciée dans ce quasi concerto pour violon alto qu'est Harold en Italie. Le thème obstiné et lent de la « Marche des Pèlerins » qui a rendu célèbre cette œuvre n'est pas le seul motif mélodique riche de la partition. Comme la symphonie qui lui succède au concert, l'œuvre est organisée en cinq parties (deux mouvements de plus qu'un concerto classique et même romantique).

Un magistral crescendo conclut une première phrase. Des accords quelque peu pompiers ponctuent le discours. La lente procession contrapuntique reprend avant l'entrée du soliste. .

Dans ce premier mouvement, le second thème de l'alto, enjoué et mélancolique à la fois, rappelle ceux de la Damnation de Faust, porté par un déroulement harmonique devenu marque de fabrique de Berlioz, que l'on retrouvera dans les Nuits d'Été : descente chromatique par paliers après une montée en arpèges de quarte, et toujours les notes de la mélodie répétées par deux.

Le troisième mouvement au titre un peu pompeux, « Sérénade d'un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse », commence par un savoureux thème chantant rappelant celui de la Symphonie pastorale Beethoven, avec  sa mesure ternaire, son cantabile, son tempo moderato et souple, son mode majeur hésitant avec le mineur. La référence à Beethoven n'est pas uniquement thématique. L'énergie des « levées », simple anacrouse d'une note, qui relance le discours, est parfaitement maîtrisée par le compositeur.

Le finale est inépuisable en matière de timbre et d'expression : dans les moments dramatiques et quasi violents, les trilles des cordes aigues, telles des cigales, insufflent une tension accentuée par les motifs mélodiques des instruments graves. Des silences subito relancent le suspens dans cette « Orgie des brigands » démoniaque. Le bref finale fait entendre de nouveau le thème du violon alto, alternant avec la frénésie de l'orchestre, les motifs se superposant. Quelques accords brefs sont à l'évidence un « copié-collé » de finale de symphonies beethoveniennes.  Influence ou hommage, cette référence à son aîné allemand n'est pas passée inaperçue chez certains musicologues.

Quasi théâtral, le choix de Sébastien Billard pour des tempi largement contrastés met en valeur la riche thématique des œuvres berlioziennes. Par cette nouvelle interprétation de la Symphonie fantastique (1830), en seconde partie du concert, le public connaissant l'œuvre l'a redécouverte dans ce cadre grandiose. De même que pour Harold en Italie, la mise en espace est requise : dans le célèbre duo de la « Scène aux Champs » (troisième mouvement), le cor anglais entonne sa mélodie au milieu de l'orchestre et le hautbois lui répond en coulisse, côté jardin, provoquant un effet acoustique surprenant et parfaitement adapté au lieu. L'entrée austère, quasi monacale, des cordes graves puis des autres pupitres dans le fugato serré montre d'abord la maîtrise par le compositeur de la polyphonie et de l'écriture contrapuntique.

Pour en savoir plus sur les ensembles musicaux de la Garde Républicaine

Flore Estang
30 avril 2016

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