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Amphithéâtre de l'Opéra-Bastille, 27 mars 2015, par Frédéric Norac ——

Wagner version conte de Grimm : Siegfried et l'anneau maudit à l'Opéra Bastille

 

SiegfriedSiegfried et l'anneau maudit, Amphithéâtre de l'Opéra-Bastille, mars 2015. Photographie © D.R.

C'est un véritable tour de force que de résumer  les quatre journées de L'Anneau du Nibelung — environ 15 heures de musique, il est vrai avec quelques redondances et de sublimes longueurs — en  une heure cinquante. Le digest  concocté par Marius Stieghorst pour la partie musicale, Charlotte Nessi, Christophe Ghristi et Agnès de Jacquelot pour le scénario, saute certes à pieds joints la Walkyrie dont il ne reste ici que quelques mesures de la célèbre chevauchée, illustrant la métamorphose de Fafner en dragon, après le meurtre de Fasolt. Wotan est devenu une vague et lointaine figure peu impliquée dans le drame et un nombre important d'épisodes a été évacué. Avec eux, c'est tout un jeu de causalités qui articulent l'oeuvre originale et lui donnent sa portée qui disparait. L'opéra  y perd l'essentiel de son caractère épique et de ses prétentions philosophiques et cosmogoniques. Reste un conte, quelque part entre Grimm et le Seigneur des Anneaux, centré sur la convoitise aiguisée par l'anneau et son pouvoir, avec pour fil conducteur le destin de Siegfried qui n'est plus vraiment le surhomme attendu mais un simple héros de conte. Significativement la fameuse marche funèbre a disparu et le meurtre est suivi, après une brève intervention de Gutrune, par le sacrifice de Brunnhilde.

SiegfriedSiegfried et l'anneau maudit, Amphithéâtre de l'Opéra-Bastille, mars 2015. Photographie © D.R.

Pourtant, grâce à la mise en scène efficace de Charlotte Nessi, quelques moments d'intense poésie émergent dont on retiendra  le réveil de Brunnhilde, enserrée dans son cercle de flamme et son enlèvement par Gunther sous les traits de Siegfried. Le dispositif scénique — un praticable circulaire sur fond  de montagnes stylisées — rappelle par son caractère abstrait le Neues Bayreuth de Wieland Wagner. Inspirées du cinéma expressionniste, les images vidéo de Mike Guermyet lui donnent sa profondeur, convoquant éléments naturels et paysages, et aident à clarifier l'histoire. Il y a même un petit film pour illustrer le récit par Mime de la naissance de Siegfried. L'arrangement pour seize instruments, réalisé par des élèves du CNSMD de Paris, est remarquablement défendu par les membres de la Loge Olympique dirigés par Vinzenz Praxmarer et réussit à évoquer brillamment toutes les subtilités et la richesse de l'orchestration wagnérienne.

Le plateau vocal — huit chanteurs et deux comédiens incarnant treize personnages — se révèle d'une parfaite homogénéité et d'une totale adéquation aux exigences de rôles réputés difficiles.  Si le beau ténor lyrique de Jan Rusko semble parfois taxé par la largeur de l'écriture vocale, la Brunnhilde de Catherine Hunold au timbre somptueux, à l'aigu inépuisable — certes favorisée par l'espace de taille modeste de l'amphithéâtre — donne l'impression d'être en mesure d'assumer ce rôle exigeant entre tous sur la scène d'un grand théâtre. Le reste de la distribution ne mérite que des éloges et les deux personnes de petite taille qui incarnent  en play-back Alberich et Mime, chantés en coulisses par Jacques Calatayud et Michel Fokenoy, parviennent  à créer pleinement l'illusion. Destiné aux enfants à partir de huit ans, le spectacle chanté en allemand surtitré, parait parfaitement toucher au but à en juger par le succès que lui fait le très jeune public réuni ce vendredi soir qui, comme aurait dit ma mère, « n'a pas bougé une patte » de toute la représentation.

SiegfriedSiegfried et l'anneau maudit, Amphithéâtre de l'Opéra-Bastille, mars 2015. Photographie © D.R.

 

plume Frédéric Norac
27 mars 2015
© musicologie.org

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