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Théâtre des Champs-Élysées, 7 mai 2015, par Frédéric Norac ——

Un Macbeth inégal et éclectique au Théâtre des Champs-Élysées

MacbethMacbeth, Théâtre des Champs-Élysées, mai 2015. Roberto Frontali et Susanna Branchini. Photographie © Vincent Pontet.

Dans notre mémoire de spectateur d'opéra de plus de trente ans, le Macbeth de Verdi reste indissolublement lié au souvenir de la production de Pier Luigi Pizzi au théâtre du Châtelet en 1982 :  vision dépouillée, pétrie dans la matière même de la nuit, chorégraphiée plus que mise en scène avec un sens de l'espace et de la lumière qui était la marque de ce grand scénographe. Un spectacle inoubliable, d'une totale cohérence et d'une intense poésie que concurrence seul celui d'Antoine Vitez au Palais Garnier en 1984, avec deux interprètes légendaires, Renato Bruson et Shirley Verrett.

Évidemment, la vision qu'en propose Mario Martone en ce moment au Théâtre des Champs-Élysées souffre de telles références dont elle semble à l'exact opposé. Éclectique, elle emprunte à de nombreux langages — théâtre, cinéma, vidéo — et reste souvent au niveau de la simple illustration, hésitant entre une sorte d'abstraction conceptuelle — le meurtre de Banquo où le chœur aligné se fige pendant l'air du protagoniste, ou les époux Macbeth valsant a l'avant-scène pendant le finale du deuxième acte — et une sorte de naturalisme, voire d'expressionnisme pour les sorcières ou la scène de somnambulisme de Lady, interprétée comme une scène de folie, à quoi nous préparaient déjà les images de femmes hystériques pendant le prélude.

MacbethMacbeth, Théâtre des Champs-Élysées, mai 2015. Jean-François Borras (Macduff) . Photographie © Vincent Pontet.

La première partie parait singulièrement vide et si la seconde relance un peu l'intérêt, c'est à coup d'artefacts et de gadgets comme les images vidéo à la Bill Viola pour la scène des apparitions. Les chevaux sur scène pour la Forêt de Birnam, gâchent un des tableaux les plus réussis de la production par le recours à un truc de mise en scène venu tout droit du théâtre d'opérette. Surtout, le metteur en scène échoue à nous impliquer dans cette tragédie de la dépendance mutuelle du couple criminel dont pourtant sa note d'intention affirme que c'est leur relation érotique qui est, pour lui, au centre du drame.

Sans doute, manque-t-il aussi aux deux protagonistes, au plan vocal, la dimension qui permettrait aux personnages d'exister dans toute leur complexité. Roberto Frontali est un Macbeth très acceptable, convaincant et expressif dans les passages en récitatifs qui sont nombreux, mais très décevant dès que la partition exige de la musicalité et un peu plus de subtilité. Son sens de la nuance dynamique parait limité et la voix, au demeurant de bon format, laisse passer par intermittences quelques signes de fatigue.

MacbethMacbeth, Théâtre des Champs-Élysées, mai 2015. Photographie © Vincent Pontet.

Susanne Branchini, remplaçant Florenza Cedolins, peine un peu à unifier ses registres. Le médium manque de corps, les notes de passages sont assez difficiles, l'aigu s'amincit et la vocalise est souvent simplifiée, mais à l'instar de son partenaire, elle tente le tout pour le tout, et sa Lady Macbeth existe surtout par sa force de conviction.

Encore un peu jeune mais très bien chantant le Banquo d'Andrea Mastroni ; excellent le Macduff de Jean-François Borras ainsi que l'ensemble des petits rôles, de la dame d'honneur de Sophie Pondjiclis au Malcolm de Jérémy Duffau.

Mais sans doute la meilleure contribution vient-elle des chœurs remarquablement préparés de Radio France et de l'orchestre national, précis, engagé et dynamique malgré un malencontreux dérapage des cuivres dans le troisième acte. Daniele Gatti qui est sûrement à l'initiative de cette coproduction entre Radio France et le théâtre des Champs-Élysées tire le meilleur de ses troupes et se révèle un grand chef verdien mais tout son talent ne suffit pas à compenser une production sans véritable ligne de force et un plateau plutôt inégal.

Prochaines représentations les 11, 13 et 16 mai. Diffusion en direct sur France Musique le 16 mai

plume Frédéric Norac
7 mai 2015
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