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13 février 2015, par Jean-Marc Warszawski ——

Elena Rozanova et l'Orchestre de chambre de Novossibirsk à Paris

Orchestre de chambre de la philharmonie de Novossibirsk, Salle Gaveau, Paris, 12 février 2015. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

 

À l'issue d'une tournée passant par l'Allemagne (Laufenbourg, Rudolf Oetker Halle de Bielefeld), la Suisse (Zurich), la Belgique (Saint-Trond), L'orchestre de chambre de la philharmonie de Novissibirsk s'est produit Salle Gaveau hier jeudi avec comme soliste la pianiste Elena Rozanova.

L'orchestre tout de noir vêtu, sinon les chemises blanches des messieurs en minorité est composé de 10 violons (par 5), 4 altos, 4 violoncelles et deux contrebasses. Elena Rozanova porte une curieuse toilette, entre soierie élégante, sac à pomme de terre et surplis de none, en beige et gris.

La première œuvre de la soirée, hommage des Sibériens à la France, est l'opus 76 de Camille Saint-Saëns, compositeur aussi célèbre que méconnu, monstre sacré du piano et amant de Perfection. Cette pièce, composée en 1886, la même année que le Carnaval des animaux, est un cadeau de mariage pour son amie la pianiste Caroline de Serres, d'où son titre « Wedding Cake » (Gâteau de mariage), assez trompeur. La pièce est en effet enjouée, avec des passages lyriques (l'amour qui porte au mariage ou la tristesse du divorce ?), s'achève sur un staccato malicieux. Mais c'est avant tout une Valse caprice (c'est-à-dire de forme libre) d'une belle élégance et virtuosité de bravoure. Elle nous permet de prendre contact avec un orchestre et une soliste véritablement habités au premier degré et bien ensemble.

Après le déplacement du piano, nos attentes sont confirmées, cette fois par l'orchestre seul, dans les Souvenirs de Florence de Tchaïkovski, à l'origine un sextuor en quatre mouvements. Un Tchaïkovski qu'on aime, plus russophile que jamais, pas italien  pour deux ronds sinon par le titre de l'œuvre, d'une grande virtuosité instrumentale, d'un lyrisme pathogène magnifiquement assumé par les musiciens, avec des moments de pure lévitation. Pas une toux, pas un grincement de fauteuil, le public retient sa respiration, sans aucun doutre, ici et là ses larmes. « C'est effrayant à quel point je suis content de moi », aurait dit le compositeur à propos de son sextuor.

Elena Rozanova, Salle Gaveau, Paris, 12 février 2015. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

Enfin, le piano emplissant à nouveau l'avant-scène, synthèse émotionnelle si on peut dire, entre la bonne humeur de Saint-Saëns et le pathos du fond des os de Tchaïkovski, avec le premier concerto pour piano de Chopin. On ne sait d'ailleurs pas trop s'il s'agit du premier ou le second, deux œuvres de jeunesse composées en même temps et créées à quelques jours d'intervalle à Varsovie, avant que le compositeur regagne définitivement la France, terre de ses ancêtres. Le concerto  opus 11 en mi mineur, officiellement le premier,  sera quatre ans plus tard, en 1834, dirigé avec succès par Habeneck au Théâtre des Italiens de Paris.

Cette œuvre oppose des passages de lyrisme épuré à des vagues tumultueuses au-devant desquelles la pianiste semble plonger avec délices. Quand elle ne joue pas des deux mains, Elena Rozanova dirige l'orchestre qui apparemment n'en a pas besoin, mais cela lui permet de rester dans la tension de l'interprétation pendant les silences de sa partition. Encore une fois, le pathos est assumé au premier degré avec une authenticité totale. On oublie que l'orchestre de cordes est ici sans bois et sans métal... mais tout en musique.

Une belle soirée à la qualité si rare et de si haute civilisation, qu'on se dit qu'elle est bonne l'idée d'avoir bougé ses fesses, parce que ça, ce n'est pas plus possible à la télé que sur cédé ou  YouTube. Pas même dans tes rêves, chère  lectrice, cher lecteur !

Elena Rozanova, Salle Gaveau, Paris, 12 février 2015. Photographie © Jean-Marc Warszawski.

 Jean-Marc Warszawski
12 février 2015


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