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Nouvelle traduction par François Buhler

Sergueï Rachmaninov : Aleko (livret)

La nouvelle traduction ci-dessous a été réalisée d'après le livret original et la réduction pour chant et piano publiée par Mouzyka, Moscou, 1966, pour la nouvelle production suivante au Théâtre du Passage, Neuchâtel, Suisse, les 8, 9 et 10 mai 2015, dans sa version scénique originale chantée en russe et surtitrée en français :

Direction artistique ...................... Veneziela Naydenova

Mise en scène ..............................Robert Bouvier

Conférence, traduction
et surtitrage ..................................François Buhler

Aleko..............................................Marcin Habela, baryton-basse

Zemfira ......................................... Ludmila Shkirtil, soprano

Le jeune tzigane ........................... Sergueï Aleshenko

Le vieux tzigane.............................. Philippe Huttenlocher

La vieille tzigane .............. ............ Graziela Valceva Fierro, mezzo-soprano

Chœur de tziganes ....................... L'Avenir de Saint-Blaise.

Chorégraphie et danse ................. Sonia Molinari, Mehdi Berdai

Lumières .......................................Joran Hegi

Régisseur ..................................... Vincent Scalbert

Costumes ..................................... Vera Mogoutchaïa

Orchestre symphonique
Premier violon solo ........................ Aurélie Matthey

L'opéra est précédé d'un prologue imaginé par Veneziela Naydenova qui décrit la genèse de l'œuvre et l'atmosphère dans laquelle grandit le jeune Sergueï Rachmaninov à Oneg, Saint-Pétersbourg et Moscou. Il comprend des extraits de la Liturgie de saint Jean Chrysostome, opus 31 (1910), des Vêpres, opus 37 (1915) et les Cinq morceaux de fantaisie, opus 3, écrits la même année qu'Aleko (1892).

Sergueï Rachmaninov ................ Laurent Nicoud, piano

Mademoiselle Defaire ..................Aline Guillén

Piotr Ilytch Tchaïkovski ............... Bernard Huttenlocher

Chœur orthodoxe ....................... L'Avenir de Saint-Blaise.

 

Sergueï Rachmaninov

 ALEKO
Opéra en un acte

Livret de Vladimir Nemirovitch-Dantchenko
d'après le poème Les Tziganes d'Alexandre Pouchkine

Traduit en français par François Buhler

Les personnages

Aleko (baryton)

Le jeune tzigane (ténor)

Le vieux tzigane, père de Zemfira (basse)

Zemfira (soprano)

La vieille tzigane (contralto)

Les tziganes (chœur)

 

L'action

Un campement de tziganes. Après le chœur d'introduction des tziganes chantant la liberté de leur mode de vie, un vieux tzigane raconte l'histoire de sa femme Marioula qui, préférant la liberté, abandonna leur enfant Zemfira pour s'enfuir avec un jeune homme du campement voisin. Le mari de Zemfira, Aleko, [un Russe ayant abandonné les « chaînes de la civilisation » pour la liberté des tziganes]1, lui demande pourquoi il n'a pas puni le ravisseur. Zemfira, épouse infidèle d'Aleko, répond à la place de son père que personne ne peut prétendre brider l'amour. Deux danses instrumentales font suite à ce premier ensemble puis les tziganes vont se coucher. Zemfira en profite pour retrouver son amant derrière une colline voisine du campement mais ils sont surpris par Aleko. Zemfira retourne dans la tente et, dans la scène auprès du berceau,  provoque Aleko dans une chanson qui n'est qu'une transposition de leur situation à tous deux : un « vieux mari » qui ne veut pas accorder la liberté de l'amour à sa femme est haï de celle-ci. Zemfira lui signifie que c'est de lui dont parle sa chanson. Aleko évoque alors son passé heureux avec Zemfira, lorsque celle-ci l'aimait encore, dans une cavatine qui représente l'exact parallèle au récit précédent du vieux tzigane. Incapable de comprendre et d'accepter la liberté des tziganes célébrée une nouvelle fois dans le numéro suivant, la romance du jeune tzigane, il guette leur prochain rendez-vous et les tue tous les deux. Les tziganes accourent et se joignent au père de Zemfira pour chasser Aleko.

1. Cette précision figurant dans le texte de Pouchkine, indispensable à la compréhension de l'œuvre, n'a malheureusement pas été reprise par Nemirovitch-Dantchenko.

Livret

No 1  Introduction

La rive d'un fleuve. Des tentes de toile blanche ou bariolée dispersées çà et là forment un cercle. À droite, sur l'avant-scène, la tente d'Aleko et de Zemfira. Au fond, des charrettes recouvertes de tapis. Des feux sont allumés, on cuit le repas dans des chaudrons. Cà et là, des groupes d'hommes, de femmes et d'enfants mangent ou préparent le repas. Tout le monde s'affaire, mais dans le calme. Derrière la rivière, une lune rougeâtre se lève.

No 2  Chœur

LES TZIGANES
Heureuses comme la liberté, telles sont nos nuits,
et paisible notre sommeil sous les cieux,
entre les roues de nos charrettes
à demi recouvertes de tapis.

Nous allons où bon nous semble,
nous dormons où nous voulons.
Tôt levés, nous consacrons le jour
au labeur et aux chants.

Nous allons où bon nous semble,
nous dormons où nous voulons.
Tôt levés, nous consacrons le jour
au labeur et aux chants.

No 3  Récit du vieux tzigane

Par la puissance magique du chant,
dans ma mémoire brumeuse
revivent soudain les visions
des jours heureux et des jours de tristesse.

LES TZIGANES
Vieillard, conte-nous, avant le repos,
un récit du glorieux passé.

LE VIEUX TZIGANE
Nos tentes nomades, même au fond du désert,
ne peuvent nous protéger du malheur;
partout les passions fatales se déchaînent
et nul ne saurait échapper au destin.

Ah, ma jeunesse n'a duré
que le temps d'une étoile filante !
Mais toi, saison de I'amour,
plus vite encore tu t'es envolée:
Marioula ne m'aima qu'une année.

Un jour, près des eaux du Kagoul,
nous rencontrâmes une autre troupe de tziganes ;
ils dressèrent leurs tentes auprès des nôtres,
au pied de la montagne,
deux nuits nous bivouaquâmes côte à côte.

La troisième nuit, ils partirent;
abandonnant notre petite fiIle, Marioula les suivit.
Je dormais paisiblement; I'aube apparut.
Je me réveille: ma compagne avait disparu !
Je la cherche, je l'appelle, nulle trace d'elle.

Zemfira pleurait de chagrin,
moi aussi je fondis en sanglots !
Depuis lors toutes les femmes du monde
me sont odieuses
et leurs charmes se sont éteints à jamais.

No 4  Scène et chœur

ALEKO
Je souffre: mon cœur crie vengeance.

LE JEUNE TZIGANE
Il est jaloux, mais il ne me fait pas peur. 

LES TZIGANES
Assez, vieil homme !
Tes contes nous ennuient,
oublions-les dans la joie et la danse.

No 5  Danse des femmes

Pendant les danses, Zemfira et le jeune tzigane s'éclipsent.

No 6  Danse des hommes

No 7  Chœur

LES TZIGANES
(se préparant pour la nuit)

Les feux sont éteints. La lune seule brille
en haut des cieux, éclairant notre camp.

No 8  Duettino

Zemfira et le jeune tzigane s'avancent, venant de la coulisse côté cour.

Le jeune tzigane s'en va. Zemfira retourne dans la tente et s'assied auprès du berceau. Aleko ramasse des cordes près de la tente.           

No 9  Scène auprès du berceau
(Zemfira et Aleko)

ZEMFIRA
Elle chante auprès du berceau

«Vieux mari, mari cruel,
poignarde-moi, brûle-moi:
je suis forte, je ne crains
ni le feu ni le fer tranchant.

Je te hais,
je te méprise;
j'en aime un autre,
et je mourrai en I'aimant.»

ZEMFIRA
Tu as raison de te mettre en colère.
C'est de toi que parle ma chanson.

«Je lui ai prodigué mes caresses
dans le silence de la nuit!
Et nous avons bien ri
de tes cheveux gris!

Il est plus frais que le printemps,
plus ardent qu'un jour d'été;
comme il est jeune et brave !
Et comme il m'aime !

Je lui ai prodigué mes caresses
dans le silence de la nuit !
Et nous avons bien ri
de tes cheveux gris. Ah ! »

Zemfira s'en va.

No 10  Cavatine d'Aleko

La lune monte, devient plus petite et plus blanche.

ALEKO
Toute la troupe est endormie.
La lune éclaire le camp dans sa splendeur de minuit.
Pourquoi mon pauvre cœur frémit-il ?
Quelle est cette tristesse qui m'accable ?

Sans soucis, sans regrets,
je mène une vie de nomade.
Ayant méprisé les chaînes de la civilisation,
je suis aussi libre que mes compagnons.

J'ai vécu sans vouloir reconnaître le pouvoir
du destin aveugle et cruel.
Mais, ô Dieu, comme les passions
se jouent de mon âme docile !

Zemfira ! Comme elle m'aimait !
Avec quelle tendresse, blottie contre moi,
dans le silence du désert,
nous passions les heures nocturnes !

Si souvent son cher babil,
ses baisers enivrants
savaient en un instant
dérider mon front pensif !

Je me souviens avec quelle voluptueuse langueur
elle murmurait alors:
«Je t'aime ! Je suis tienne !
Tienne, Aleko, pour toujours !»

Alors j'oubliais tout,
je buvais ses paroles,
Éperdu d'amour, j'embrassais
ses yeux enchanteurs,
ses belles tresses plus sombres que la nuit
et ses lèvres...

Elle, pleine d'une tendre ardeur,
blottie contre moi, plongeait son regard dans le mien…
Et maintenant ? Zemfira est infidèle !
Ma Zemfira est devenue froide !

Aleko sort côté cour

No 11  Intermezzo

La lune s'efface progressivement. L'aube point déjà.Au loin résonne la voix du jeune tzigane.

No 12  Romance du jeune tzigane

LE JEUNE TZIGANE
(en coulisse)

Regarde, sous la voûte lointaine
la lune librement se promène;
en passant, elle éclaire la nature entière
d'une égale lumière.

Qui pourrait lui indiquer une place dans le ciel,
et lui dire: arrête-toi là ?
Qui pourrait dire au cœur d'une jeune fille :
n'aime qu'une fois et tiens-t'en là ? (Bis)

No 13  Duo et final
Il commence à faire jour. Zemfira et le jeune tzigane apparaissent.

Bis général

ZEMFIRA
Si mon mari s'éveille avant mon retour...

Aleko apparaît à cet instant, sans être aperçu de Zemfira et du jeune tzigane.

FIN

(Traduction : François Buhler)
© musicologie.org


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Samedi 3 Juin, 2023 21:55