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17 novembre 2015, par Frédéric Norac ——

22e Édition du Concours international de chant de Mâcon : un cru gouleyant

MâconSymphonies d'automne 2015, les finalistes et l'orchestre symphonique de Mâcon. Photographie © Mâcon symphonies.

Le concours international de chant de Mâcon dont c'était la 22e édition cette année, est organisé annuellement, dans le cadre du festival « Symphonies d'automne », par l'association Mâcon Symphonies avec le soutien de la Ville de Mâcon, du Conseil général de Saône-et-Loire, du Conseil  régional de Bourgogne avec la participation de la Spedidam, de la Sacem, du FCM, du Centre de la Voix de Vézelay, du Centre français de promotion lyrique et de nombreux autres mécènes et sponsors dont nos lecteurs pourront trouver la liste exhaustive sur le site du festival. Leur investissement prouve l'intérêt de la population locale pour une manifestation de haut niveau qui fait autant sinon plus pour la "vulgarisation" de l'art lyrique que la plus démocratique des représentations d'opéras. Notre collègue Eusebius était présent pour la demi-finale, nous avons quant à nous suivi la finale du  15 novembre.

En ce dimanche endeuillé par les attentats de l'avant-veille, il faisait bon s'éloigner pour un moment de l'ambiance mortifère de la capitale pour se plonger trois heures durant dans celle d'une salle de près de 900 places, comble d'un public concerné et enthousiaste. Cet après-midi consacré à six jeunes talents — exclusivement féminins — faisait à sa façon figure d'acte de résistance et La Marseillaise entonnée par l'ensemble de l'assistance, après  une minute de silence à la mémoire des victimes, fut un grand moment d'émotion, même si quelques termes de notre bel hymne national continuent de nous paraître encore et toujours appeler une révision.

L'émotion esthétique a une vertu consolatrice que n'a peut-être pas l'émotion patriotique comme devait le prouver, après la partie du concours consacrée aux deux belles mélodies de Nicolas Bacri Les baisers morts et Vous m'avez dit (sur des poèmes d'Émile Verhaeren), la partie proprement opératique du concours dominée — ce qui est assez rare — par la première candidate à entrer en lice à qui devait finalement revenir le premier prix. Valentine Martinez possède une voix au pouvoir émotionnel immédiat, avec un timbre certes assez clair mais une puissance de projection et un ambitus qui lui permettent d'affronter des rôles aussi exigeants que la Chimène du Cid de Massenet, souvent attribué à des Falcon, et Cio Cio San de Madame Butterfly, un des rôles de grand lyrique les plus ardus de Puccini, avec une technique remarquable et une personnalité déjà très affirmée pour ses 30 ans.

MâconSymphonies d'automne 2015, les finalistes et Frédéric Lodéon. Photographie © Mâcon symphonies.

À 23 ans, Catherine Trottmann paraît encore un peu jeune pour communiquer toute sa profondeur au personnage tourmenté de Sextus de La Clémence de Titus mais son Page des Huguenots de Meyerbeer, brillant, joyeux et enlevé, convient idéalement à son mezzo colorature et lui a valu le deuxième prix. Jeune, Alice Lestang l'est également et sa Fiordiligi semble encore un peu appliquée. C'est plutôt le naturel déconcertant de sa Mimi de La Bohême — jamais forcée vocalement — qui révèle le mieux son tempérament véritable, explique et le Prix du Jeune Talent féminin, et plus encore celui des techniciens et des musiciens, car elle suscite immédiatement la sympathie. Enfin, Marie-Pierre Roy quelque part en lyrique léger et colorature dont le timbre rappelle parfois singulièrement celui de Natalie Dessay, surtout quand elle aborde l'air des Clochettes de Lakmé, devait recevoir le prix du public, toujours sensible en France, aux pyrotechnies vocales. Lui revenait également celui de la mélodie, pleinement justifié par la qualité d'une articulation française parfaite et d'une interprétation aussi simple que parfaitement évidente de Vous m'avez dit comme l'avait été celle d'Alice Lestang dans Les baisers morts.

Si le palmarès paraît parfaitement justifié et honore le discernement et le goût d'un jury de qualité1, on regrettera tout de même que deux concurrentes,  la Japonaise Mayako Ito Tournadre, d'une verve très communicative dans les Mamelles de Tirésias de Poulenc et l'Arménienne Lussine Lévoni au timbre splendide et aux aigus d'une grande pureté dans Les Puritains de Bellini, n'aient pas bénéficié chacune d'un accessit car toutes deux sont des talents très prometteurs. L'excellent orchestre symphonique de Mâcon  dirigé par Eric Geneste — splendide dans Puccini, un peu moins convaincant dans Mozart — apportait une contribution plus qu'honorable à cet après-midi de découvertes dont le rythme sans temps morts doit beaucoup  à l'efficacité des commentaires et à l'humour bon enfant  de Frédéric Lodéon qui l'animait avec brio.

plume Frédéric Norac
17 novembre 2015
© musicologie.org

1. Constitué de :  Nicolas Bacri (compositeur des mélodies imposées), Brigitte Balleys (mezzo-soprano, professeur de chant à Lausanne), Sara Matarranz Sanz (soprano, professeur de chant à Madrid), François Le Roux (baryton, professeur au CNSMD de Paris), Nicolas Bucher (organiste, chef d'orchestre, directeur de la Cité de la Voix de Vézelay), Éric Geneste (chef d'orchestre, directeur artistique des Symphonies d'Automne).


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